Personnage enquête auteur

Mise en abîme du théâtre, de la théâtralité et de la représentation, primauté du verbe sur l'action, décor baroque mais espaces de représentation minimaux, jeux de pouvoir illustrés par les plans en plongée / contre-plongée, grotesque que le gros plan met en relief, voilà quelques caractéristiques qui traversent l’œuvre de Mankiewicz et que l'on retrouve dans Le Limier. Dégagé des obligations hollywoodiennes, après avoir enterré l'échec tonitruant et ruinant de Cléopâtre, il signe un de ses films les plus authentiques, fidèle à ses canons esthétiques, servi par un scénario magistral de A. Schaffer (qui remportera le prix E. A. Poe avant de collaborer avec A. Hitchcock, S. Lumet et Hamilton entre autres) et une excellente paire d'acteurs qui soutiennent sans jamais flancher la considérable charge dramatique de ce huit clos tragi-comique. Film maîtrisé de bout en bout, il parvient à maintenir toujours le public en haleine en dépit de la quasi absence d'actions et de la réduction des acteurs au nombre de deux (!) grâce notamment à des coups de théâtre surprenants et des dialogues parfaits. Et que dire de la scène finale, magnifique coup de grâce porté dans cette lutte entre l'aristocrate et le petit bourgeois, le créateur et son personnage dans un retournement de situation à la Pirandello. Du grand art duquel on ne peut sortir indemne.