Les bras cassés braquent comme des branques.
Comédie de gangsters, Le Pigeon repose sur un procédé simple : d’un côté, le casse. De l’autre, la vie. A l’épreuve de nos gangsters italo-siciliens jusqu’aux bouts des ongles, une kyrielle invraisemblable d’obstacles qui jalonnent leur parcours d’étincelles de tendresse et de maladresse. Une épouse en prison, un bébé, les amours de l’un pour la sœur de l’autre, la mère du même et la bêtise du suivant : chaque minute apporte son lot de retournements de situation dans un intrigue générale dont le génie tient dans sa limpidité. Doté d’acteurs de génie, le Pigeon est aussi l’occasion de nous livrer l’italianité sur un plateau d’argent : beaux parleurs, frimeurs, menteurs, du vieux déguisé en cambrioleur au boxeur raté, du bras cassé, au propre comme au figuré, au sicilien macho, la galerie est un feu d’artifice. Avec une acuité du regard acérée, Monicelli gère sa petite troupe d’une main de maitre : les répliques fusent, les seconds plans sont toujours animés, et l’on allie la richesse de l’écriture comique théâtrale à tout le potentiel cinématographique. Par d’amples mouvements de travellings dans les rues, ou de la caméra sur le trajet prévu dans le bâtiment, le cinéaste ajoute à la richesse du scénario une véritable prestance de l’image. Ce n’est pas sans raison que les gangsters eux-mêmes ont recours à une caméra pour filmer le coffre, occasionnant l’un des pires films de l’histoire. La réussite générale provient enfin de la tendresse infinie du réalisateur pour ses personnages : malhonnêtes, souvent idiots, se trahissant tous les quarts d’heure, ils n’en forment pas moins une troupe d’une humanité débordante en témoigne le repas final, où les pâtes aux pois chiches semblent bien le butin suprême puisqu’il occasionne un moment purement italien de convivialité.
Saturé d’intelligence, jubilatoire, troussé aux petits oignons, Le Pigeon un chef d’œuvre d’autant plus confondant qu’il se déploie avec une évidence sous le charme de laquelle il est impossible de ne pas succomber.
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