Je ne sais pas si ça te fait pareil mais alors que je revois des films que j’adore, irrémédiablement, c’est comme si j’avais la chance d’être à nouveau en compagnie d’êtres qui me sont chers.
Phénomène qui ne se produit pas dans la vraie vie.
Dans la vraie vie, les gens que tu as aimés et qui ont disparu, pour un temps ou à jamais, n’ont le loisir de ne te revenir, si tu as de la chance, qu’en songe.
Du moins quand tu n’es pas consommateur de cannabis car, comme chacun sait, la bédave, frérot, ça fait s’envoler tes rêves. Le tétrahydrocannabinol les kidnappe et les entraîne avec lui dans un nuage épicé éphémère. C’est un genre de tortionnaire hypnotique, il t’enlace, t’anesthésie. Et quand t’en tombes amoureux, c’est voué à rêver éveillé un peu et je ne sais pas si c’est mieux.
Ce faisant, j’entretiens ma nostalgie à coup de films.
C’est pour ça aussi, je crois, que je suis incapable de parler dans les parages de certaines bobines qui sont chères à mon cœur, accompagnées qu’elles sont par les gens auxquelles elle sont attachées.
Te parler de « Rocky » sans évoquer mon pote Marco ça serait oublier l’essentiel et « Le Parrain deuxième partie » sans te dire que la K7 est resté coincée dans mon magnétoscope si bien que je n’ai vu que ce film pendant 6 mois serait un sacrilège. Je trouve.
Et là, je t’entends d’ici... la VanCleef qui fait sa sucrée alors qu’il passe son temps à raconter sa misérable vie d’urbain rastaquouère à longueur d’avis qu’il a en plus l’indécrottable indécence de poster sur ce pauvre site qu’est devenu SensCritique. Le mec est constamment en mode vieux con, faut qu’il arrête la tisane, ce mange merde, car ça commence à bien faire.
Comme je suis un mec affable, dégueulant de mansuétude, je vais faire le dur de la feuille et je ne t’enverrai pas te faire foutre, mais sache que tu parles trop fort. Mets ta main dans ta bouche, arrache-moi cette langue de péripatéticienne parce qu’un jour, tu tomberas sur un lascar qu’aura pas envie de tendre l’autre joue, et ça risque de chier des ronds de chapeau pour ton matricule de petite lopette.
Bref, comme Robert, je passe l’éponge.
Revenons à nos michetons, donc. Je ne sais pas si ça te fait pareil mais moi, ça me fait ça.
Ce qui ne m’empêche pas d’être un putain d’explorateur à la portugaise, un de ceux qui savaient pas nager et qui pourtant, partaient voguer sur leurs coquilles de bois et traverser les océans. Un chercheur d’oasis cinématographique.
En ce moment, je m’enfile des péloches indiennes, du qui dure minimum 3 plombes, où ça danse et ça chante dans des costumes qui brillent, des histoires d’amour pour des gonzesses dont tu sais que tu ne verras pas un bout de peau. Un téton, n’y pense même pas, et je te pisse à la raie.
Mais c’est une autre histoire.
Un film dont je suis très amoureux, par exemple, c’est « Le Pigeon » de Mario Monicelli.
Il y a un vieux dedans, Carlo Pisacane, il est chauve, sans chicots, comme Étienne, et il me fait beaucoup penser à mon vieux. Toujours en train de bouffer, toujours à faire le guet et à se prendre des baffes de Mastroianni.
Le Pigeon, c’est le genre de comédie à la sauce romaine qui tabasse sévère et te fout la banane. Il y a tout ce que j’aime de la Comédie à l’Italienne dedans. Des petites gens qui se dépatouillent avec leurs vies de misère, qui se plaignent pas, jamais, et en prennent souvent plein la gueule.
C’est un miracle sur pellicule.
D’abord, il y a le Noir et le Blanc, minéral sur les ruelles de Rome, les terrains vagues où poussent les tours de la modernité tandis que s'accrochent les petits.
Puis, il y a des trognes d’acteurs folles, des paysages à elles seules, qui portent tous les stigmates des bas-fonds romains de la fin des années 50, les yeux plus gros que le ventre et qui s’attaquent à un coup qu’ils pensent chiadé à l’extrême.
Il y a la Claudia, la Cardinale, cloîtrée par un frère sicilien à la serpette facile et l’inénarrable Toto dans un rôle de professeur es perçage de coffre-fort.
Il y a des dialogues truculents chantés par une troupe où Gassman n’a de beau rôle que le nom.
Il y a de la poésie aussi, quand on tire tous sur le même clope et qu’on remplit une bouteille de fumée pour la vendre au goulot à plus misérable.
Et un casse final pour un plat de pâtes.
Le Pigeon c’est des images qui collent, aux bouts de tes doigts, et ton cœur qui bat.
Sinon, sache que Jah travaille.
La bise.