Le président dont il est question ici est le président du Conseil, équivalent d'un Premier Ministre dans cette France de la IIIème République, il a souvent été regardé comme un film condescendant sur la politique gaullienne des années 60 dont il avait sans doute inconsciemment de troublantes coïncidences (délit d'initié, Europe de l'Union douanière, antiparlementarisme exacerbé, le métier de voyous qu'est la politique etc...), pourtant je n'y connais pas grand chose en politique, je ne suis qu'un passionné de cinéma, et surtout de cinéma populaire de qualité, comme c'était le cas dans les années 60 dans le cinéma français, époque qui rappelle que ce type de cinéma était effectivement en osmose avec les options du pouvoir.
Le film délivre une morale ambiguë en faisant le portrait d'un homme politique condamné à se retirer pour avoir voulu rester intègre, patriote, ferme et pour n'avoir jamais eu "qu'une maîtresse : la France", mais c'est surtout un très bon film, un des meilleurs de Verneuil, qui cerne parfaitement cet univers de politicards beuglants et de vieux barbons qui veulent faire des lois en s'opposant à celles de leurs rivaux. C'est surtout aussi un formidable véhicule pour Gabin qui peut donner libre cours à son jeu volubile et à son talent d'orateur ; les dialogues d'Audiard, ciselés comme des couteaux, sont constamment accordés à la puissante personnalité de l'acteur, et son numéro de vieux républicain face aux députés, refusant de composer avec l'Europe des banquiers et des industriels, est tout simplement magistral, j'adore quand Gabin se lance dans des tirades tonitruantes de la sorte et qu'il éructe ses convictions avec fermeté.
On voit qu'il était entré dans la partie de sa carrière que je préfère le plus, lorsqu'il accède aux rôles de notables et de patriarches gueulards et bougons depuis les Grandes familles en 1958, et ici, le film succédait à les Vieux de la vieille qui annonceront d'autres rôles proches comme dans la Horse, le Gentleman d'Epsom, le Tatoué ou le Pacha.
On a souvent dit que ce rôle du président Emile Beaufort était inspiré de la grande figure de Clémenceau qui lui aussi s'était retiré de la politique dans sa maison vendéenne, on peut trouver d'autres analogies avec des gens comme Aristide Briand ou Raymond Poincaré. Mais c'est surtout une adaptation d'un roman de Georges Simenon paru en 1957, soit avant l'avènement de la Vème République, il se réfère donc aux moeurs politiques de la IIIème République, milieu qui a bien changé depuis, cependant, malgré cet aspect obsolète, ce film est toujours autant efficace et passionnant pour moi, en grande partie par sa mise en scène et ses acteurs. Et puis c'est toujours très intéressant de voir comment était la politique avant, le film a une valeur instructive.
Le roman était beaucoup plus concis dans son intrigue, Verneuil et Audiard en ont fait une adaptation calibrée aux mesures de Gabin qui comme je l'ai dit, s'offre de beaux numéros d'acteur, telle la scène à la Chambre des députés qui n'existe pas dans le livre, et que Verneuil met en scène avec un sens consommé de l'effet dramatique et du coup de théâtre psychologique. D'où le fait que le film soit souvent diffusé à la télé de chaînes en chaînes, mais je ne m'en lasse pas. A noter que Gabin est superbement entouré comme souvent chez Verneuil, par Bernard Blier, Louis Seigner, Henri Crémieux, Renée Faure, Jacques Monod, Jean Martinelli ou Alfred Adam...

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le 16 mars 2020

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