Gitans de l’innocence.
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Kusturica signe avec Le temps des gitans un film remarquable qui annonce, à travers la mise en place des principaux éléments fondant son esthétique, le chef d’œuvre Underground, le meilleur de ses films, justement récompensé à Cannes par une Palme d'or.
Le raisonnement dialectique, qu'on ne peut éclipser tant il structure le travail du réalisateur, trouve ici une expression rarement égalée, profonde quoique simple et sans fatuité, traduisant ainsi la grande maîtrise, fruit d'une lente maturation, à laquelle il est parvenu.
Ainsi nous retrouvons dans le portrait moral des personnages et de leur itinéraire, mais aussi parmi la société dans laquelle ils vivent, des oppositions qui se concilient pour former un tout homogène comme: la grandeur et la décadence du protagoniste; le luxe des mafieux et la misère du peuple rom; les valeurs d'honneur, de probité de la grand-mère et l'absence de scrupules chez le boss; la folie du grand frère et sagesse des anciens; …
La mise en scène permet aussi d'illustrer ce principe. Ainsi la légèreté de l'onirisme à travers une photographie épurée et nocturne est contredite par la réalité boueuse et chaotique où s'empêtrent leur quotidien et leur mouvement (à noter la verticalité des animaux des animaux pendant les rêves opposée à leur horizontalité diurne); les promesses de futurs radieux, comme dans le langage des grandes villes sont démenties par les fantômes du passé qui rattrapent et hantent le protagoniste; les plans larges filmant les naissances, mariages et célébrations collectives et qui débordent de couleur, de lumière et de danses sont atténués par les gros plans sur des individus envahis par des pulsions de mort ou sur des objets la servant (armes, mutilations, auto-destruction à l'alcool et tabac, …); …
Cette multiplicité de significations et de pistes de lecture, qu'on ne peut hélas évoquer ici qu'en partie mais qui permettent de mieux comprendre l'ensemble du cinéma de Kusturica, rendent compte malgré elles d'une écriture baroque et nerveuse, traversée par l'agitation d'une créativité féconde (amplifiée par la cocaïne qu'il confesse prendre) que ne peut tempérer que la douce musique de Bregovic, elle aussi double dans sa construction car transmettant la joie et l'ivresse tout en y distillant quelques larmes de mélancolie.
Créée
le 17 oct. 2016
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