Sorti sur les écrans à la fin des années 80, Le Temps des Gitans fît figure d’ovni cinématographique. Convoquant à la fois le baroque Fellinien, la farce exubérante et la dramaturgie rocambolesque, dans un déferlement visuel de toute beauté, le cinéaste Serbe originaire de Bosnie-Herzégovine, Emir Kusturica réalise une œuvre puissante et intense aux confins des genres et des modes et réactive la magie opératique au cinéma des grands maîtres du surréalisme.


Jamais une œuvre n’aura autant été marqué du sceau identitaire propre au folklore gitan, en faisant une incursion à la fois émouvante, drôle, tragique et décapante dans l’univers manouche sans se départir de l’idée qu’au-delà de ses aspects démonstratifs, on ressent l’authenticité de cette plongée ubuesque dans un univers dépeint avec un grand réalisme, la magie du cinéma opère littéralement pour nous faire passer de la joie, avec des scènes absolument hilarantes, je pense à la scène de la tentative de suicide avec la cloche de l’église, à la façon dont sont dépeints les personnages de manière à la fois pittoresque et avec toujours ce souci d’authenticité qui les rend attachant, à l’horreur absolu avec le personnage d’Ahmed, sorte de parrain grotesque et détestable, trafiquant d’humains.


Originaire du milieu qu’il dépeint magnifiquement et avec toujours ce souci de mettre en branle tous les ressorts propres au cinéma avec une énergie de tous les instants, Kusturica parvient d’autant plus à toucher au but dans absolument tous les aspects qu’il magnifie par des procédés que l’on peut aisément qualifier de magiques. Car c’est toujours cette spécificité qui prédomine dans cette sensationnelle incursion dans cette société des gens du voyage, qu’il montre remarquablement, alliant mythologie et folklore sans jamais se départir de l’idée que le cinéma est surtout une question d’émotions.


Quand la magnifique partition de Bregovic entonnait par des voix d’enfants survole la scénographie de cette tragédie absurde et lyrique au son « d’Ederlezi », on ne peut qu’être touché par ce déluge d’intensité magique électrisante. Par ce mix parfait entre ressenti touchant à la pureté et exubérance imagée, Kusturica réussit une œuvre flamboyante d’une puissance rarement atteinte sur un écran.

philippequevillart
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 1988 et Les meilleurs films d'Emir Kusturica

Créée

le 22 mai 2021

Critique lue 525 fois

14 j'aime

9 commentaires

Critique lue 525 fois

14
9

D'autres avis sur Le Temps des Gitans

Le Temps des Gitans
Sergent_Pepper
8

Gitans de l’innocence.

Le Temps des Gitans est accompagné d’un sous-titre : Une histoire d’amour. On pourrait en être surpris de prime abord, tant la violence, la misère et le chaos semblent être les protagonistes de ce...

le 7 mars 2017

40 j'aime

2

Le Temps des Gitans
philippequevillart
9

Amour, haine et gallinacés

Sorti sur les écrans à la fin des années 80, Le Temps des Gitans fît figure d’ovni cinématographique. Convoquant à la fois le baroque Fellinien, la farce exubérante et la dramaturgie rocambolesque,...

le 22 mai 2021

14 j'aime

9

Le Temps des Gitans
AnarchikHead
9

Tu vas chialer, c'est garanti

Mon cher Camille, Cette lettre est la plus sentimentale que je t'adresse depuis que je t'adresse des lettres. Bon, j'te demande pas si tu vas bien, hein ? Tu n'existes pas, tu te souviens ? Moi, je...

le 26 févr. 2014

12 j'aime

Du même critique

La Chienne
philippequevillart
8

L'ange et la mort

Dans La Chienne, second film parlant de Jean Renoir, c’est surtout quand les voix se taisent et que l’image reprend naturellement ses droits que le lyrisme dramatique s’impose pour offrir de grands...

le 31 janv. 2023

19 j'aime

2

L'assassin habite au 21
philippequevillart
8

Meurtre oblige

Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball...

le 21 avr. 2020

18 j'aime

8

Joker
philippequevillart
6

Autant de clown clinquant

C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte...

le 9 oct. 2019

18 j'aime

5