La bonne adresse
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Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball comédie, vitesse de narration, dialogues échevelés et acérés, et un humour noir d’une grande efficacité.
Dans la France sous occupation, cette adaptation d’un roman de l’auteur belge Stanislas-André Steeman, adopte un style résolument tourné vers le thriller à énigme à la Agatha Christie, que l’on peut aisément caractériser de « Whodunit » (contraction de Who has Done It : qui l’a fait ?). L’auteur situe l’intrigue en réduisant son champ des possibles à travers un titre très significatif.
Alors entre en scène l’inspecteur Wens, interprété par Pierre Fresnay, doublé d’une épouse jalouse que l’on qualifiera littéralement de pot de colle, à qui la pétulante Suzy Delair prête ses traits. L’enquête mène tout droit notre duo de choc dans la pension Mimosa, où les locataires, personnages atypiques, sont tous d’emblée des suspects potentiels.
Première constatation avec une première scène de crime filmée en vue subjective, la présence d’élément sous-jacent appuyant le propos, une lettre, un nom, absolument commun : Mr Durand, le parfait monsieur tout le monde, une main gantée, une lame, on est déjà dans le fétichisme Clouzotien, et cette idée que derrière chaque personnage se cache un potentiel coupable. Dans la France occupée, avouons que l’idée est absolument audacieuse.
D’audaces, ce film ne manque point. Formelles dans un premier temps, ce qui est frappant chez ce cinéaste. Les points de vue qu’il adopte sont absolument novateurs dans un cinéma de genre hexagonal qui jusqu’à lui adoptait une méthodologie plutôt classique action-réaction, champ-contre-champ, Clouzot insuffle la notion de doute dans des scènes de dérobade somptueuse où il invite le spectateur à participer à la première personne aux actes criminelles. En cela la première scène de meurtre, est un modèle du genre. En plus d’un modèle de tension elle reflète déjà un certain esprit de cette France du repli et du chacun pour soi de l’époque. Le Clouzot politique est déjà là. Le Corbeau rôde.
Chez ce réalisateur il y a une croyance fondamentale en la notion de mal dans le sens pathologique du terme. Cette notion de contamination de la scénographie sera graduelle dans ses splendides films suivants, et atteindra son apogée avec le somptueux et inégalable Les Diaboliques. Avec L’Assassin Habite Au 21 il donne de l’épaisseur à son intrigue en se focalisant sur l’idée de la caractérisation des personnages, auxquelles il donne de la matière, de l’épaisseur. Chaque quidam possède une caractéristique, adopte même un point de vue que l’on pourrait qualifier de pittoresque, est un artiste à sa manière et nous offre le spectacle de la déviance humaine. Le final sera en ce sens absolument significatif. Derrière chaque personnage, même sous couvert de respectabilité, doit-on penser « surtout »…?,se cache un potentiel assassin. Tout le cinéma de ce géant du noir à la française est là.
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le 21 avr. 2020
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