Il y a des films dont la seconde vision peut totalement remettre en cause la vision première que l'on s'en était faite. The Million Dollar Baby en fait partie.
Et j'avoue avoir été extrêmement déçu et m'être totalement laissé avoir par ce florilège de bons sentiments et de dramaturgie lacrymale exacerbée à la première vision.
L'héroïne interprétée par la sympathique Hilary Swank est désignée d'emblée comme la fille courageuse et volontaire qui n'a jamais eu de chance dans la vie, à qui un vieux manager de boxe grincheux, dans la peau duquel Clint Eastwood prête ses traits, donne sa chance dans un univers machiste et impitoyable. On le comprend rapidement, on va jouer sur le thème du duo qui se forme dans la difficulté pour s'achever sur le succès et les bons sentiments ne tardent pas à fleurer bon. C'est dans la démonstration perpétuelle de cet étalage lourdaud que le film se perd. Tout est poussé aux extrêmes et on tombe rapidement dans le grotesque et le caricatural. La vision qu'il montre de la cette famille, une bande de hobos profiteurs et lourdingues, la vision outrancière du "white trash" est d'une lourdeur qui frise le ridicule. Cette idée plombe d'emblée le schéma narratif et on comprend qu'Eastwood se perd rapidement dans l'excès de démonstration.
Le souci avec cet Eastwood là, c'est qu'on a permanence l'impression qu'il cherche à se dédouaner de ses personnages du passé, je pense notamment à l'homme au cigarillo du Bon, La Brute et le Truand, et surtout à celui de Dirty Harry, le flic radical et expéditif . Comme s'il chercher la rédemption en permanence afin de prouver son visage finalement plus humaniste que sa grande carcasse de gros dur pouvait laisser paraître.
En gros il en fait des caisses dans la démonstration et ça finit de ruiner toutes perspectives intéressantes, si ce n'est de faire pleurer dans les chaumières.
Quelques idées intéressante néanmoins empêche le film de totalement sombrer dans le pathétique, notamment les dialogues croustillants, car blasés et vains finalement, entre Eastwood et Morgan Freeman, en vieux combattants un peu brisés par le poids des âges mais toujours debout.
Malheureusement quand il cherche à s'humaniser, Clint Eastwood devient un cinéaste trop explicatif et utilise des ficelles usées jusqu'à la corde. Même si le temps n'a aucune prise sur cette carcasse droite et incassable et que la classe est toujours là.