Le mensonge comme droit à l'amour.
Peut être que seul un regard innocent sur la brutalité de notre monde est apte à pouvoir franchir les barrières qui entourent nos pires angoisses. A travers cette communauté reculée et recluse sur elle même, Shyamalan dépeint avec virtuosité l'amertume de la culpabilité et les fêlures de la peur qui habitent en chacun de nous. Par le prisme du fantastique et avec des créatures rouges venues des bois ténébreux et hantés, le Village se raconte telle une fable minimaliste mais presque romanesque à la délicatesse raffinée. Malgré sa douceur et son vague à l’âme contagieux, on y découvre un long métrage d'une extrême richesse. Derrière son aspect cotonneux de parabole politique, Le Village est avant tout un film qui transpire le cinéma où le fantastique permet de mélanger fiction et réalité et surtout de manipuler les esprits, tant celui du spectateur que celui de cette communauté.
Cette dernière a tracé une barrière avec "ceux dont on ne doit pas parler", pour vivre paisiblement mais Lucius franchit cette barrière territoriale et les créatures vont remettre cette trêve en péril, renvoyant les habitants du Village dans la pire des torpeurs. Par d'innombrables idées de cadrage et de montage, Shymalan va marier les genres avec talent entre plans aériens naturalistes magnifiques faisant doucement rappeler Terrence Malick et scènes se rapprochant du cinéma fantastique/horrifique faisant couler quelques frissons.
Emportée par une légèreté visuelle époustouflante, la mise en scène de Shyamalan est un bonheur pour les yeux captant les moindres chuchotements de ces grandes plaines ou de ces bois sinueux. Le film va alors se décentrer de sa communauté pour s'intéresser au duo Lucius/Ivy suivi de près par la déficient Noah. Malgré tous les thèmes qui parcourent le récit, c'est surtout cette magnifique histoire d'amour entre Ivy et Lucius qui transcendent le film de tout cet isolement. Non voyante, Ivy n'en reste pas moins l'un des plus beaux regards que l'on ait pu voir au cinéma ces dernières années. Cette fragilité, cette insouciance voir innocence est d'une beauté rare.
L'amour aveugle ou non d'une personne envers une autre, transfigure les positions des uns et des autres sur l'espoir d'un avenir radieux et la pérennité de nos êtres chers. Ivy va braver tous les "dangers" pour lui. Bien que cet amour soit un peu à l'eau de rose et fabriqué d'une sensibilité un brin naïve, à l'image de cette sublime scène sur les marches d'escaliers où on voit Lucius dévoiler son amour à Ivy, il est difficile de résister face à une telle pureté émotionnelle et le principal est là: c'est beau, c'est touchant, et ça nous emporte. Fabuleusement romantique, Le Village est une ode au courage et à l'amour peignant non sans amertume les méandres utilitaristes du mensonge.