Pierce Brosnan. Adulé par une génération décrié par à peu près toutes les autres, il sera, après ce film, le 007 qui vaut un milliard de recette. Il reprend ici son rôle, en trouvant le ton juste après deux films, tout comme Moore et Connery en leur temps, dans un film mettant en jeu des thèmes actuels : terrorisme, pétrole, danger du nucléaire et les arrangements dans l'ombre entre hauts placés. A noter que ces thèmes commencés dès le début de la saga, ont véritablement pris leur essor avec Timothy Dalton dans le rôle et continue de plus belle de nos jours avec Daniel Craig.
Complexe d'Electre
Pour la première fois la production fait appel à Purvis&Wade, le duo de scénaristes actuel des aventures de Bond, qui nous concoctent un drame aux accents de tragédie grecque. En effet le personnage principale féminin, joué par la neutre Sophie Marceau, s'appelle Elektra (Electre). Jouant sur la connaissance éventuelle du spectateur du personnage popularisé par Sophocle, entre autres, ils construisent une histoire qui transforme le méchant annoncé du film, Renard, en Oreste venimeux. Ce qui peut donner des indices sur les péripéties du film aux plus cultivés et aux plus imaginatifs. Une nouvelle fois, comme ce fût le cas à nombreuses reprises, seul la saga James Bond peut mêler des références culturelles aussi fortes à un film d'espionnage et d'aventures.
N'oublions pas que James Bond avait été pour la première comparé à un héros de la mythologie grecque dans L'Espion Qui m'Aimait : Ulysse. Celui-ce sera d'ailleurs cité sous forme de poésie par M pour les cinquante de James Bond dans Skyfall. Il est exact qu'il représente la force profonde masculine, mystique, représentée sous différents formes à différentes époques, tantôt Ulysse donc, tantôt St George ou bien encore inspirée par la vie de John Dee, alchimiste et astrologue qui était également … agent secret.
Les secrets sont justement une des clefs du film, les secrets entre amis, les secrets de famille et ceux des grand intérêts, notamment pétroliers.
Pétrole et produits
En montrant le double discours d'Elektra, de M et du banquier suisse, une nouvelle fois fustigé dans un film de la saga (voir à ce sujet l'article James Bond contre -ou pour ? - les gnomes de Zurich dans James Bond (2)007 Anatomie d'un mythe populaire), on nous montre la friction schizophrénique qui finit par créer d'une part des personnes de pouvoirs à son image comme Elektra et d'autre part des demi-monstres comme Renard. Le terrorisme est donc la conséquence du comportement de ceux qui manipulent les grands intérêts dans le monde légal. Il y a d'ailleurs profusion de titres désormais à ce sujet dans les librairies, sans compter les milliers d'articles sur le net.
007 n'a cessé de se politiser depuis les années 80 comme décrit en introduction. Tout ce petit monde se bat une nouvelle fois pour le pouvoir et le pétrole. Face à tout ceci, Elektra King montre qu'elle tient au peuple, son peuple … et celui de sa mère. Autre indice, autre entorse à la base mythologique. Le film aborde au passage le thème des minorités déportés pour laisser passe les oléoducs. Il touche un peu à tout et brouille ainsi les pistes sur la place de chaque personnages et tente de ménager ses coups de théâtres ainsi. L'intrigue contient des complexités à l'image d'Octopussy, mais avec une réalisation qui ne la soutient pas. Michael Apted étant tout de même l'auteur de films aussi explosifs que … Gorilles dans la Brume. Et surtout un casting branlant. D'une part des rôles féminins questionnables, particulièrement concernant celui de Denise Richards, pas un instant crédible, et d'autre part celui de Robert Carlyle, sous exploité.
Pourtant au vu du rôle que campe Sophie Marceau au final, manipulatrice en chef et donc premier adversaire de Bond, on aurait pu voir certaines ligues féministes féliciter les scénaristes …ou les honnir.
Toujours est il que ce film contient tout le cahier des charges propre à la saga : voitures pleine de gadgets, méchant possédant une capacité spéciale, jolies femmes, scène de poursuite en ski (modernisée) et même le passage classique au casino. La bande son de David Arnold est un atour majeur, avec ses accents métalliques et jazz, selon les circonstances.
Adieux de Q
C'est aussi un épisode des aventures de James Bond très touchant, particulièrement pour les fans les plus loyaux. En effet une scène poignante nous montrer un Q prodiguant des conseils à Bond comme un oncle sympathique à son neveu préféré. Desmond Llewelyn songeait à cette époque à quitter le rôle et avait demandé à EON Productions de lui trouver un remplaçant, qui fait d'ailleurs une apparition amusante sous les traits de John Cleese. Comme la réalité dépasse la fiction, il décéda dans un accident de voiture juste après la sortie du film. Au moment de revoir ce film, à chaque fois que cette scène se présenter, une émotion particulière s'en dégage. D'ailleurs comme un hommage le film mise une nouvelle fois sur l'inventivité des gadgets : BMW Z8 tirant des missiles, lunettes qui voient à travers les habits, montre Omega contenant un filin et blouson gonflable en une seconde. Une dernière panoplie pour celui qui a traversé le temps en jouant dans dix-sept films de la saga. Là encore les vieilles et grandes traditions sont à l'honneur car le troisième scénariste, Bruce Feirstein, a construit la scène sur le modèle des adieux d'Arthur à Merlin. Sans aucun doute une plus belles scènes du film et même de la série.
Au Final …
…un film qui se regarde tranquillement, qui suit les codes des James Bond et avait de l'ambition, une ambition prise dans une réalisation plutôt lisse. Il faut tout de même signaler le point d'orgue du film : la scène d'introduction de quinze minutes, mettant en scène une poursuite en bateau des plus hallucinantes qui bénéfice d'une musique où David Arnold se surpasse. Peut être la plus fabuleuse scène de pré-générique de l'histoire de 007. Enfin sur la longueur, le film possède une belle esthétique, tout en nacre, ivoire et or. Les décors sont très beaux et cohérents dans leurs tons et les tenues de Sophie Marceau sont splendides.
Un film pour passer une bonne petite soirée entre amis devant un film dans les rails de la fameuse saga qui sait faire son effet au bout du compte.