--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au treizième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Retour au Forum des Images. Finalement, la bêtise de le mettre au moment de Noël n'est pas qu'un désavantage pour l'ambiance que devrait véhiculer un cycle de films d'épouvante : c'est également très contraignant à inclure dans un emploi du temps. Entre les marchés de Noël et les sessions de fabrication de pain d'épice, ma facette humaine n'a jamais autant envie de tuer le loup en elle qu'au mois de décembre. C'est donc la deuxième, mais également déjà l'avant-dernière séance du cycle à laquelle j'assisterai. *Le Sang du Vampire* porte beaucoup, beaucoup sur ses épaules. Non seulement il représente donc à lui seul un tiers du cycle tant désiré et finalement si lamentablement manqué du Forum des Images, mais en plus il a le sex-apeal d'un film avec le mot « vampire » dans le titre dont je n'ai pourtant jamais entendu parler. Et pour cause...
L'homme invisible n'a jamais été aussi présent dans un film duquel il est factuellement absent que dans *Le Sang du Vampire*. Le vampire non plus. C'est donc, malgré l'absence effective et de vampire, et d'homme invisible, un jackpot. Comment mieux exposer tout ce que je recherche dans ce mois-homme invisible étendu -le mode d'emploi pour disparaître- que par ce vampire tête d'affiche, qui finalement sait si bien se dissimuler sous l'impatience d'être découvert qu'on en oubli d'être déçu de ne pas l'avoir aperçu ? C'est brillant ! Je m'attendais à un film de vampire, et pourtant à aucun moment je ne me suis dit « mais au fait, il est où le vampire ? ». Parce qu'il est là, tout le temps, non pas physiquement, mais émotionnellement, conceptuellement. Dans ce présent qui semble avoir oublié que la légende du vampire ai jamais existé, où personne ne fait de parallèle entre ce docteur obnubilé par ses recherches sur les groupes sanguins, et une supposée bestiole surnaturelle qui entretiendrait sa non-mort par des coupes de sang frais, le vampire, dans ce qu'il représente, estomaque par sa présence. Ce huis-clos suintant le froid, le danger et la souffrance, dans lequel le temps lui aussi semble enfermé ; ce chassé-croisé subtile entre ceux qui savent et ceux qui ignorent ; la mort devenant banalité au fur et à mesure que le désespoir s'impose ; jusque même cette histoire d'amour outrepassant toutes les barrières, transcendant la matérialité et traversant le destin : tout cri "vampire". Exister sans être, faire corps sans en avoir. Je suis sciée, tourneboulée, fascinée. C'était donc ça. L'invisibilité que je cherche, ce n'est pas celle qui doit se dissimuler sous des bandelettes et un faux-nez, c'est au contraire cette présence intimidante, cachée derrière un écran de fumée. Mais comment le mettre en pratique ?
Un homme m'a regardée pendant toute la séance. Entre deux âges, la barbe et la chevelure fournie, j'ai immédiatement plaqué son visage sur le concept de Sirius Black que je rencontre en ce moment sous forme manuscrite, avant d'en voir l'incarnation qu'en aura faite Alfonso Cuarón. Ces yeux fous surtout. Qui seraient d'un marron banal s'ils n'étaient pas immenses, légèrement exorbités, leur donnant de la lumière malgré les sourcils denses qui les surplombent, avec quelques fines veines rouges apparentes sur fond jaunâtre, et virevoltant dans tous les coins de leurs orbites en permanences, à l’affût. Ils se posent sur moi aussi fréquemment que sur l'écran. Il semble à la fois inquiet et confiant. Il s'est sauvé avant la fin du générique, et j'ai fais l'erreur d'être trop certaine dans ma capacité canine de le rattraper. Il s'est volatilisé. Mais a laissé une odeur : un loup.
(sinon j'ai pas du tout parlé du film, mais il est super, une chronique de prisonnier sans concessions, qui parle à la fois d'enfermement, d'abus de pouvoir, et de la soif de connaissance d'un docteur qui le confine à une folie plus grande encore que celle de n'importe lequel de ses patients. C'est carton-pâte et théâtrale, mais les thèmes sont d'une modernité sidérante, gommant les aspects un peu dépassés sous une intemporalité absolue. On regrettera juste des couleurs un peu trop proprettes et disciplinées pour venir égaler l'éclat d'une production Hammer. La scène des chiens notamment, est certainement celle qui m'a le plus glacée, se révélant plus que ne se dissimulant dans un hors-champ à la La Féline, laissant le film me susurrer à l'oreille : « je n'ai aucune limite et je n'ai peur de rien. Et toi? »)