Même s’il souffre des excès caractéristiques d’un premier film, à savoir une mise en scène parfois poseuse et une écriture qui se laisse aller à la surenchère, Les Ardennes est une belle surprise. Polar noir désespéré, ce premier fait d’arme est emprunt d’un amour certain pour le cinéma dans toute sa diversité. Empruntant autant aux pragmatiques faiseurs de drames sociaux qu’aux allumés du cinéma de genre, Robin Pront met sur pied un uppercut rageur qui témoigne de son ambition, celle de se faire une place dans les esprits, de manière marquante et sans complexe. L’objectif est réussi, qu’il fascine ou laisse dubitatif, Les Ardennes est un film qui ne s’oublie pas.
Parce qu’il est porté, d’une part, par une galerie d’acteurs d’un naturel saisissant qui parviennent à transporter dans le réel des personnages exagérés parfois jusqu’à l’extrême : qu’apporte à l’histoire ce travesti à la voix suave sinon une pincée de singularité qui peut être discutée. Qu’on y adhère ou non, la forme du trio de tête que composent activement le charme de Veerle Baetens (qui avait déjà fait battre à tout rompre les cœurs dans le touchant Alabama Monroe), la retenue de Jeroen Perceval et l’intensité de Kevin Janssens ne saurait être remis en question : les trois acteurs délivrent une partition exemplaire, Robin Pront réussit dès son premier essai à diriger avec poigne des comédiens de talent.
Mais si Les Ardennes reste autant en tête, c’est pour ses dernières minutes, éprouvantes en diable. Alors que le doute s’est installé en rapport à un script qui joue facilement avec les limites d’une réalité trop flexible, l’intrigue se remet sur les rails d’une vérité malsaine. Un dernier twist nécessaire qui remet tout en perspective et efface les quelques errances d’écriture qui donnaient l’impression jusque là d’une approximation inopportune. Un dénouement que n’auraient pas renié les acteurs majeurs des dépressives seventies : en cette année 2016, c’est à prendre, et sans broncher.
Alors certes, Robin Pront joue avec les codes d’une époque un peu tape à l’œil, en saturant les basses d’une bande son électro massive autant qu’il ouvre au maximum ses objectifs pour composer une photographie flatteuse qui divisera l’audience. Arty pour les uns, maladroitement ambitieux pour les autres, une chose est sure, avec Les Ardennes, Robin Pront prouve qu’il dispose d’un potentiel prêt à laisser exprimer tout son savoir-faire.
De quoi passer, en tout cas, en tête de liste des nouveaux venus dont j’attends les prochains films tant la séance fut stimulante.
Quelques images pour vous encourager à tenter la découverte ici :)