Le professeur Henry Jones, dit « Indiana Jones » (Harrison Ford), est contacté par les services secrets américains, qui lui apprennent que les nazis cherchent à mettre la main sur l’Arche d’alliance, le coffre dans lequel Moïse a enfermé les tables de la Loi. Pour éviter que les nazis déclenchent la colère de Dieu, Indiana Jones doit mettre la main sur l’Arche avant eux. Dans sa quête, il sera aidé par la belle Marion (Karen Allen), ancien amour de jeunesse qui semble lui en vouloir quelque peu de l’avoir abandonnée…
Il est des films dont il est difficile de parler, tant ces derniers sont devenus des mythes aussi incontournables qu’intouchables. Indéniablement, Les Aventuriers de l’Arche perdue est de ceux-là. Film iconique s’il en est, le film est fondateur au moins à deux égards : en dépoussiérant un genre tel que le film d’exploration, Spielberg réalise ici un film-somme, un manifeste cinématographique imposant qui, s’inscrivant dans la lignée d’un héritage riche, en pose à nouveau les bases.
Mais s’il est fondateur d’un genre, Les Aventuriers de l’Arche perdue pose aussi les bases du génie cinématographique de Spielberg. Si ce dernier est déjà fort de films aussi solides que Les Dents de la mer et Rencontres du troisième type, le récent échec de 1941 (pourtant un bijou de mise en scène et d’humour burlesque, certes pas fin) rappelle que le géant n’est pas encore solidement établi.
Paradoxalement, c’est peut-être grâce à Albert Broccoli que le génie spielbergien pourra naître d’aussi belle manière. Le simple refus du producteur de James Bond de confier un épisode de la saga à Steven Spielberg renforça en tous cas la volonté du jeune réalisateur de créer son propre personnage d’aventures. Avec l’aide de son complice de toujours George Lucas, le mythe Indiana Jones voit alors le jour…
Ecrit par Lawrence Kasdaan, scénariste des épisodes V et VI de Star Wars, d’après une histoire rédigée à deux mains par George Lucas et Philip Kaufman, le scénario des Aventuriers de l’Arche perdue est une merveille de narration et un modèle du genre. L’écriture des personnages est en effet exemplaire : n’en disant jamais trop sur eux et sur leur passé, le scénario ne bascule jamais dans un pathos de mauvais aloi, préférant compter sur quelques répliques bien senties pour nous faire découvrir au fur et à mesure du récit le contexte personnel de chacun des personnages sans jamais le déflorer. Jamais parfaits, les personnages de Lucas et Kaufman sont profondément humains, ont leurs qualités et leurs défauts, commettent des erreurs mais se révèlent héroïques quand il le faut. Rien d’artificiel là-dedans, les recettes ont déjà fait leur preuve, et c’est ce qui permet aux personnages des Aventuriers de l’Arche perdue d’être aussi attachants, et aussi intemporels.
Mais si les personnages sont aussi attachants, c’est également grâce à leurs acteurs. Karen Allen et Harrison Ford créent là un couple mémorable, un brin provocateur et d’un charme fou, composé de deux caractères forts, dans la lignée de ce qui pouvait se faire dans les années 30, ce qui les propulse au rang des couples de cinéma les plus marquants, aux côtés d’un Cary Grant et d’une Katharine Hepburn, ou d’un Clark Gable et d’une Vivien Leigh… Couple mythique s’il en est, à l’image de tout un film, qui se plaît à multiplier les symboles marquants, pour toujours mieux iconiser son personnage et développer sa propre mythologie.
En cela, l’introduction d’une dizaine de minutes est une des plus réussies qui ait jamais été : tout y est posé en quelques plans très réfléchis. L’imagerie de carte postale, riche et envoûtante, l’efficacité dans la mise en scène, un héros laconique, brutal et impulsif, le décorum récurrent : fouet, chapeau, veste en cuir, mais aussi temple antique bourré de pièges parfois délirants… En 10 minutes, Spielberg nous propose déjà presque un récit dans le récit, brillant, qui instaure des bases durables. Des bases si solides que l’essence même de la quadrilogie y est déjà contenue, et peut déployer toute sa saveur dans le reste d’un film où on n’a pas le temps de s’ennuyer.
Comme le meilleur des albums de Tintin (que Spielberg découvrit juste après avoir fait ce film), Les Aventuriers de l’Arche perdue nous offre une histoire bondissante et virevoltante, qui multiplie les morceaux de bravoure jusqu’à l’overdose, mais une overdose très saine.
Cette réussite, bien évidemment, doit tout au sens aigu de la mise en scène de Spielberg. Ce dernier peut s’appuyer sur un directeur de la photographie qui n’était pourtant pas une évidence, le grand Douglas Slocombe. Habitué des comédies britanniques du studio Ealing, ce dernier franchit ici un grand écart, et le franchit merveilleusement, le bon film d’aventures s’appuyant finalement sur la même rigueur visuelle qui fait la différence entre une bonne et une mauvaise comédie. La caméra de Slocombe, alliée au redoutable coup d’œil de Spielberg s’avère géniale, pour trouver à chaque plan l’angle de vue qui convient, tandis que le montage parfait de Michael Kahn fait le reste, achevant de dynamiser l’ensemble.
Il convient enfin d’évoquer la partition incontournable en tous points de John Williams, qui contribue à donner au film une belle unité de ton. Extrêmement mémorable et jamais lassante, la bande-originale du maître incontesté de la musique de film prend toute sa saveur sous les doigts du prestigieux London Symphony Orchestra, habitué au grand écran. Des cuivres éclatant en mille fanfares aux cordes sous tension permanente en passant par un thème romantique éblouissant, chaque note de la partition est culte et mérite qu’on s’y attarde. A noter, bien sûr, l'apparition d'un des thèmes les plus emblématiques du grand écran, la célébrissime Raider's March, qui résume à elle seule le génie de Williams et l'identité de la saga...
Fort de tous ces éléments et de l’alchimie totale qu’ils développent, Les Aventuriers de l’Arche perdue constitue donc un des plus beaux sommets de la riche carrière de Steven Spielberg. Mais bien plus que cela, il constitue un film fondateur pour le cinéma d’aventures, et pour le cinéma tout court. En valorisant un bel héritage, Les Aventuriers de l’Arche perdue donne une toute nouvelle définition du divertissement, qui n’arrivera presque jamais à être égalée par la suite. Ce qui est bel et bien le signe du chef-d’œuvre…