Les protagonistes : combat entre deux super-prédateurs


Les Dents de la Mer c'est l'histoire d'un monstre, un monstre génialement mis en scène, quasiment invisible pendant tout le film. Le suspens du film tient alors dans l'absence de ce monstre, que l'on poursuit sans vraiment connaître. Cette fascination exercée par la bête pousse d'ailleurs tous les casse-cous du coin à se lancer à sa poursuite.
C'est donc l'instinct de chasse et de prédateur que le film décrit. Celui du requin, d'abord, qui s'attaque aux côtes et aux plages de cette petite station balnéaire de la côte est des Etats-Unis. Il marque son territoire, terrorise, semble le prédateur suprême. Et puis, il y a l'homme, plus dangereux encore, qui, par sa maîtrise technique et sa ruse parviendra finalement à détruire la bête et à reprendre le contrôle des océans. Son instinct de chasseur, lui aussi se réveille. D'ailleurs, le marin qui prendra son bateau pour l'abattre collectionne les mâchoires de requins et compte bien y ajouter celle-ci à ses trophées.


Mise en scène de la peur


Mais le coup de force du film c'est de suggérer la peur : la peur par un simple aileron qui déambule près de la plage. Spielberg nous surprends : le requin n'est jamais là où on le croit. Soit, on l'attends et on frissonne quand il arrive, soit il débarque subitement, contre toute attente et on sursaute. Spielberg n'hésite pas à faire mourir des enfants et de jeunes et jolies femmes dans son film. Ce ne sont pas les méchants ou les crétins qui meurent les premiers. Cette façon de se jouer de la peur est tout à fait visible lorsque les enfants décident de mettre un aileron sur leur dos pour faire peur aux baigneurs, tandis que le requin, lui, s'aventure ailleurs, là où, une fois de plus, on ne l'attends pas.
Le requin fait d'ailleurs preuve d'une intelligence remarquable, comme s'il incarnait la peur elle-même qui se joue de nous. Accompagné par l'emblématique thème de John Williams, le requin devient la personnification de la peur, comme le loup l'était dans Pierre et le Loup. L'angoisse est exprimée par la musique, alors que la bête reste sous l'eau, invisible. Le silence accroit lui aussi la tension, sorte de calme avant la tempête qui met mal à l'aise. L'humour noir et la stupidité de certains personnages contribuent aussi à exaspérer le spectateur. On sue dans ce film !
Enfin, la peur c'est avant tout une fascination. Tous les habitants sont fascinés par le requin : le flic est obsédé par sa figure et lit des livres à son sujet. Le type de l'institut océanographique rêve de l'étudier et de l'observer. Le marin rêve de l'ajouter à son tableau de chasse. La bête effraie et fascine. C'est donc vers elle qu'inexorablement, on se dirige, attendant avec impatience de voir sa grande gueule ouverte dévorer nos héros.


On jubile (un peu), on frisonne (beaucoup). L'apothéose de ce genre de cinéma : réalisation impeccable, suspens brillant, traduction parfaite de nos angoisses et de nos fantasmes. La peur bleue, dans toute sa splendeur.

Tom_Ab
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le 31 août 2014

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Tom_Ab

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