Propagande importante autour de ce Guillaume, de la part des médias cool et de gauche surtout. Le film a attiré plusieurs millions de spectateurs en salles et remporté une pluie de Césars. À la base, ce n'est pas injustifié puisque Guillaume Gallienne est un comédien talentueux. Ce sociétaire de la Comédie Française l'a démontré dans ses sketches sur Canal + où il interprétait souvent des rôles féminins avec brio. Mais les germes de la disgrâce étaient déjà là et si prêtes à éclore que la suspicion s'imposait naturellement.
Comme ses spectacles et son livre éponyme jusqu'alors ignoré, Les Garçons et Guillaume est largement autobiographique. Guillaume Gallienne s'y raconte, se donne tout entier – ç'aurait été formidable de ne pas dire tout nu, le menu étant déjà suffisamment dégueulasse, malheureusement on en a l'occasion. À deux reprises au moins l'auteur nous expose ses fesses flasques. Bref, Gallienne fait sa psychanalyse bien à fond, introduit cette mère qui fut sans doute la copine imaginaire désirée pendant ses trois premières décennies (les personnages de ses sketches en sont souvent des variantes). C'est donc l'histoire de cet avorton gras, efféminé et enfantin, qui réalisera en dernière instance qu'il est parfaitement hétérosexuel et effectuera donc son ''coming out inversé''. Jusqu'à cette révélation, un long chemin hideux.
Comme le Bronson de Winding Refn et Tom Hardy, le Guillaume de Guillaume parle devant un théâtre. Bronson est un pervers et un mégalo, un troll de prestige et un esthète. Guillaume est un taré et une sorte de rat d'égout. Pauvre petit bonhomme flegmatique ; tout maladroit avec ses gestes recroquevillés, tout mal foutu, tout lui manque mais chaque partie du corps est de trop ; tout niais aussi, incapable de se dominer ou de maîtriser quoique ce soit, pas même une conversation – il est toujours mené par les autres, se plie à leurs plans. C'est un éternel faible, perpétuellement en situation d'infériorité voir de soumission dans chaque rapport.
Il est proche du débile commun et doit savoir : non, Guillaume du film, tu ne ressemble pas à une fille, tu es simplement un mec répugnant et demeuré, trop couvé, trop fébrile. Un enfant malade et chétif qui filerait au plus fervent des catholiques bienveillants des espoirs eugénistes. Car dans le fond Guillaume a tout à fait raison : intégrer en lui un peu du caractère de sa mère le rendrait plus valide.
On s'ennuie juste. Pas de haine, pas d'exaltation, mais quand même l'envie que tout le décors s'effondre sur lui, ou pourquoi pas qu'un char tombe du ciel et vienne lui rouler dessus pour le remettre à sa place, celle d'une petite chose ratatinée et écrasée par chaque élément de la vie, incapable de se mettre en relief sinon en faisant la pute et affichant sa dégénérescence comme une médaille.
Bien sûr, on pourrait se délecter du spectacle de cette pauvre tache, mais son cas est tellement obscène et pitoyable que la vraie tentation est de boucler l'affaire. Si on reste car on cinéphile ou intègre, ou les deux et qu'on était dans cet état d'esprit, on a alors tout le temps de sentir le mépris absolu s'installer. Mais il est impossible de s'impliquer dans le film, même pour tout railler, parce que Guillaume Gallienne se met en pâture et fait du public son dominateur d'une part, le témoin de sa victoire par en-dessous d'autre part. Cette autobiographie SM montre la liquéfaction et la faiblesse la plus achevée comme le salut. Gallienne célèbre une dramatique inversion. Avec lui, le sous-homme sera premier.
Naturellement le film s'achève sur une délivrance. Certains conservateurs moralistes et réactionnaires ont apprécié que la sortie de l'univers LGBT soit ainsi assimilé au déclic de la maturité. Ce n'est pas ce que dit Gallienne explicitement, mais l'issue de son film, elle, ne dit pas autre chose. Pourtant ce qu'a présenté Gallienne reste une part de lui même après sa réforme. Finalement, cette présentation est encore un nouveau coup dans le bide qu'il s'administre lui-même. On dirait que Gallienne n'est jamais rassasié. Il trouve toujours un moyen de s'humilier plus encore.
Il y a aussi ce qu'on ne dit pas ; tout cela se déroule autour des appartements de hauts-bourgeois parisiens. Ce trop grand confort n'est pas seulement le cadre (ou la source) de vices. Finalement la grande menace pesant sur lui c'est qu'il se prête à la dégradation des hommes (avec un H petit ou grand) et de leur dignité. Là-bas, on peut tranquillement devenir cette sorte de truc liquéfié, de victime ignoble. On peut vivre sans inclure ni réalité ni spiritualité, sans se confronter à la condition humaine normale ou à ses responsabilités. Cela n'existe sans dommages que là-bas. Guillaume Gallienne n'y songe pas, mais c'est cette chose-là qu'il affiche qui est la plus cruciale.
Tout de même, on se marre franchement et souvent, des effets recherchés par le film, pas seulement à ses dépens ou même à ceux de son personnage. Mais on souffre des commentaires et réflexions incessantes de l'exécrable, tandis qu'est assénée une mise en scène efficace mais d'une lourdeur rare. Les Garçons tente des séquences visant le classique instantané mais juste aberrantes, comme celle du médecin, ou d'autres bien plus indigentes (dont le double lavement par Diane Kruger). Par ailleurs, tout relève de la fausse bonne idée dans cet horrible voyage, dans la lignée de la mère pittoresque. Naturellement on s'esclaffe lorsqu'elle apparaît, ressent immédiatement le puissant potentiel... mais c'est à peine commencé que déjà foutu. Il y a juste l'épaisseur et rien dedans.
En outre, Gallienne n'a aucune conscience des sujets qu'il arpente. Il s'accapare des troubles et thématiques sérieuses dont il ne connaît rien ou dont il est incapable de fournir une illustration humaine (contrairement à Transamerica ou Tomboy). Le résultat est dégradant. Si Gallienne ose l'authenticité intégrale, il ne faut pas l'en féliciter pour autant car ce serait participer à un jeu prodigieusement glauque. Outre le ridicule, Les Garçons se fonde sur une minable prise à revers de l'homophobie et du virilisme lui permettant de retomber sur ses pattes et ne pas froisser les franges bobos et progressistes. Bien plus grave, son film constitue une éloge allant au-delà de l'hétérosexuel minable comme il veut nous le faire croire par sa pirouette. Les Garçons célèbre la tapette hétéro, ce genre dominant chez les mâles en déliquescence, la variante la plus sinistres de toutes.
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