Splendeurs et misères du Cours Florent.
La comédie française n’est jamais aussi pertinente que lorsqu’elle cherche à assumer et explorer sa singularité sans vouloir imiter les autres. C’était la réussite de Quai d’Orsay il y a peu de temps.
Ici, force est de constater que tout annonce un projet original. Par son propos, celui d’un coming in, si l’on peut dire, et d’une destinée psychanalytique pour le moins insolite. Par sa forme, aussi, mêlant le monologue théâtral pour souligner la filiation avec le spectacle dont il est issu, le rôle de la mère joué par le fils et les apparitions de celles-ci dans les moments de vie intime de son fils (qui a parlé d’Ally Mc Beal ? Un peu de sérieux, voyons).
Si le film a un mérite, c’est bien d’entériner une évidence, à savoir que Gallienne est un immense comédien. Ses échanges avec sa mère, rendus possible par la magie du cinéma, justifient à eux-seuls le projet d’adaptation. Ils sont d’autant plus savoureux que cette interprétation travestie est la revanche d’un enfant en mal d’identité sexuelle qui exorcise par un art public les méandres d’une névrose familiale.
Cette réflexion sur l’identité sexuelle est véritablement prégnante parce qu’elle s’accompagne du sujet le plus intéressant du film, celui de la naissance non d’un individu, mais d’un acteur qui précéderait la personne. Voulant à tout prix se fondre dans le rôle que lui a assigné sa mère, Guillaume apprend à jouer. Les scènes d’observation des femmes, l’étude de leur spécificité, la jouissance de l’imitation sont les passages les plus intenses du film, loin de la comédie hilarante qu’on nous annonce depuis Cannes.
Car les prétentions à être cette dernière sont l’un des grands problèmes du film. D’un ryhtme étrange, assez intéressant au demeurant, fondé sur les temps morts et les pauses relatives au retour sur le plateau du monologue, le récit enchaine certaines séquences franchement dispensables, dans l’esprit de Pédale Douce. Les essais de relations homosexuelles n’apportent rien, la scène du lavement est vraiment d’une lourdeur pénible, tout comme les clichés sur le pensionnat ou l’armée. A cela s’ajoute une musique assez irritante dès la séquence d’ouverture, donnant le ton d’une « confession intime et émouvante », qui voit le Guillaume s’épancher dans des monologues souvent un peu maladroits au gré d’une psychanalyse somme toute éculée et dont les révélations détonnent avec la subtilité d’autres réflexions.
Ce curieux mélange nous met face à la désagréable sensation de voir un projet audacieux, sincère et d’un homme de talent, passé à la moulinette des recettes éprouvées de la comédie populaire, et la non moins frustrante conclusion de nous retrouver face à un certain gâchis.