Allez savoir pourquoi, je m’étais mis en tête que ce film est une comédie, militante certes, mais bel et bien une comédie. J’avais même dis à ma chérie qui m’accompagnait dans ce périple : « Tu vas voir, on va s’en payer une bonne tranche. » Faut dire que la veille, on avait bien rigolé devant 9 Mois Ferme et on était tout à fait ouverts à un deuxième service. Au bout d’une trentaine de minutes, après un sourire et un modeste éclat de rire genre : « T’as vu chérie comme je trouve ça drôle, je ris aux éclats », je me suis rendu à l’évidence, ce film n’est pas une comédie.


Je me suis alors rabattu sur le film d’auteur émouvant, militant certes, mais bel et bien d’auteur émouvant. J’ai alors pris de grand air inspirés et pénétrés, soulignés par des grimaces et des froncements de sourcils genre : « T’as vu ma chérie comme je suis un garçon sensible et surtout doté d’un esprit ouvert. » Au bout de…pas longtemps en fait, je me suis rendu compte que même pris comme ça, ce film me laissait totalement de marbre, au point que j’aurais pu fournir le Père Lachaise pour les trente prochaines années. Là c’est devenu compliqué, si je ne pouvais ni rire ni pleurer, comment allai-je me sortir du guêpier du César 2014 du meilleur film ? Je ne m’en suis pas sorti: explications.


La première chose qui a provoqué chez moi la stratégie du dos rond, c’est la narration que Gallienne nous impose : décousue et sans aucun fil rouge. Ce film est construit comme un one-man show, une succession de sketchs sans lien de cause à effet, ni aucune transition. C’est déconcertant et agaçant, les enjeux de chaque séquence sont au mieux anecdotiques, au pire désespérants. Cerises sur le baba, cette voix off inutile et éreintante et ces apartés d’un Gallienne sur scène, assis sur un lit qui nous raconte sa vie d’homme efféminé dont on a pas grand-chose à faire car ses aventures, même si elles sont personnelles, sont insignifiantes.


J’ai arrondi un peu plus le dos quand j’ai compris où il voulait en venir. Je ne nie pas l’histoire intime que raconte son film, mais le résultat n’en reste pas moins douteux et à plusieurs tranchants. Le bon tranchant, c’est ce rappel à nous tous que fait Gallienne : un homme efféminé n’est pas automatiquement un homosexuel et cette phrase qu’il prononce, en annonçant à sa mère avoir écrit un spectacle : « C’est l’histoire d’un homme qui se bat pour faire admettre son hétérosexualité, quand toute sa famille pense qu’il est homo. », cette phrase frappe car on se souvient de l’effiminé de la classe dont tout le monde se foutait. C’est là que survient le double-tranchant : l’homosexuel est en fait un bon hétéro des familles, dormez tranquilles braves gens, il y a une tantouse de moins sur terre, il était pas homo le Gallienne, Dieu soit loué ! Allah Akbar !.


Oui, une tantouse car là survient le troisième tranchant (sur un couteau suisse il y en a trois que je sache !), j’ai été désespéré par les clichés é(n)culés que véhicule malgré tout ce film : les homos sont efféminés, les homos sont des obsédés sexuels, les homos n’aiment que la compagnie des femmes (normal hein ! puisqu’ils n’aiment pas les femmes), les homos n’aiment pas le sport, etc…Manquait plus que : « Les homos c’est tous des drogués ! » Ce film enfile les clichés comme des perles, comme un gay enfile son copain.


Si l'on se place un instant dans la tête d'un homophobe (j'en connais plus que je ne le voudrais), ce film reviendra comme un boomerang dans la tronche de ceux qui pensaient servir la cause homosexuelle. On ne m’enlèvera pas de la tête que son César du meilleur film est de circonstance et lié à l’actualité, de la même manière Les Nuits Fauves ne l’aurait jamais eu sans la mort de Cyril Collard. On ne m’enlèvera pas de la tête qu’il ne fera que conforter les plus conservateurs d’entre nous dans leurs clichés les plus crétins et réactionnaires. Ce film est donc un naufrage tant sur le plan cinématographique que politique et son César n’est qu’un doigt d’honneur aux plus extrémistes et ces gens-là, pour la plupart, s’enfonceront dans les extrêmes tant qu’on continuera à leur faire des doigts d’honneurs, ils continueront à voter avec leur haine. Ce film est une erreur stratégique, son message aussi, son César encore plus !

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le 11 mars 2014

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Jambalaya

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