(1972. FR. : Les Tueurs à Gages. ITA. : Camorra. ENG : Gang War In Naples.
Merci à Contrebande VHS pour le partage. Film vu en VF, entrecoupée de VO...L'occasion de voir à quel point la VF a été sabordée, charcutée, démembrée...Il s'agit clairement d'une des petites pépites du genre, on ne peut que regretter sa quasi-inexistence, son absence en dvd et son mauvais traitement. +1 pour le coup !)
Années 1970 à Naples. Tonino Russo (Fabio Testi https://www.senscritique.com/liste/Mes_acteurs_fetiches_Vol_22_Fabio_Testi/2886238), jeune mécano désœuvré, purge une petite peine de prison pour coups et blessures. Durant son séjour, il sauve la vie du ponte de la Camorra, Don Mimo De Ritis (Charles Vanel), sans savoir de qui il s'agit. Celui-ci lui offre une belle somme en récompense. A peine sorti de prison, sa famille et ses proches retrouvent un Toni changé, mué par la volonté de réussir, devenir riche par tous les moyens...Après une bagarre dont il sort vainqueur, il est repéré par un mafieux, Mario Capece (Raymond Pellegrin), qui le recrute dans son organisation et, le considérant comme son propre fils, lui fait grimper les échelons un à un. Mais tôt ou tard, les valeurs morales de Toni devront se confronter à sa volonté de réussir par tous les moyens…
Lorsque Camorra sort en 1972, le poliziottesco (https://www.senscritique.com/liste/Neo_Polar_italien_poliziottesco_oeuvres_vues/2853819) est en plein boom. En effet, dans les mois précédents, les films qui inspireront le plus le genre sont sortis : Dirty Harry et French Connection en 1971 ainsi que Le Parrain en 1972. Une période bénie démarre alors pour le néo-polar à l'italienne. Après avoir réalisé quelques westerns, le méconnu Pasquale Squittieri, mari de Claudia Cardinale, signe ici son premier polar et aborde pour la première fois le sujet de la Mafia, véritable leitmotiv de sa carrière (Lucia et les gouapes, L'Affaire Mori, Corleone...), à l'instar d'un Damiano Damiani.
A partir d'une intrigue très classique (le jeune voyou incorporant une mafia, son ascension, sa chute…), il nous livre ici une bien jolie bobine, avec une belle mise en scène comme lors du générique de début. Naples y apparaît populeuse, sale, pauvre (voir le quartier insalubre où habitent les parents de Tonino). Ce film est aussi l'occasion de découvrir une très bon Fabio Testi, à mes yeux l'une de ses meilleures interprétations. Son personnage de bandit au grand cœur, beau-gosse, attaché à sa famille...mais mué par un désir d'ascension sociale à tout prix est parfaitement tenu. Très classe le Fabio, un peu macho, sarcastique, et sacré cogneur ! Dans un certain sens, il fait songer au napolitain Luca Canali dans La Guerre Des Gangs de Fulci, par ce côté gentil gangster avec une certaine morale, presque naïf.
Au-delà du film d'action qui nous emmènera jusqu'à Capri et sur le Vésuve, le fond du propos reste sérieux. Une scène éclaire d'ailleurs le film, lorsque son père (Ugo D'Alessio) découvre Toni qui, après avoir voulu aider les pauvres du quartier, vient de se faire tabasser par son Don :
« Maintenant tu ne peux plus reculer, tu commences à comprendre mais c'est trop tard. Maintenant, tu as de l'argent, de quoi acheter une voiture, on dit de toi que tu es quelqu'un, que tu as réussi dans la vie. Ils feront semblant d'avoir peur de toi, tu auras les meilleures putes. Et puis un jour, tu auras un flingue à la main, et ils te donneront un nom. Et pour toi, mon fils, dans le contexte, ça te semblera juste, logique. »
Pour l'anecdote, cette très courte scène n'est même pas dans la VF.
Un film très injustement maltraité et qui comporte pourtant un bien joli casting, avec notamment les purs napolitains Ugo D'Alessio (La Mafia Fait La Loi) et le comique Enzo Cannavale. Notons aussi la performance très juste de Germana Carcina (Peur Sur La Ville) en petite amie déboussolée par la transformation de Tonino. Par les seconds rôles, de nombreux pensionnaires du bis italien comme Salvatore Puntillo (Milano Violenta), Francesco D'Adda (La Polizia Ha Le Mani Legate...), ou encore la superbe tronche de Vincenzo Falanga (La Mafia Fait La Loi).
La partie française de cette co-production vaut également le détour avec trois grands acteurs Jean Seberg (A Bout De Souffle, Jeanne D'Arc...), Raymond Pellegrin (la voix de Fantomas, Le deuxième Souffle...) et Charles Vanel (Le Salaire De La Peur, Les Diaboliques, La Main Au Collet...) Si pour ce dernier, l'aventure se résume à deux scènes très savoureuses par ailleurs, Jean Seberg et Raymond Pellegrin crèvent l'écran. Souvent habitué aux rôles sombres, Pellegrin semble s'éclater en mafieux rusé, lâche, pédant et violent. La pauvre Jean Seberg est quant à elle dans la période la plus compliquée de sa vie (voir sa bio...incroyablement triste) et elle traîne son spleen sur l'écran, en femme de parrain dégoûtée par son mari, droguée, blasée et frustrée.
Enfin, le méconnu Manuel De Sica (Le Jardin Des Finzi-Contini) signe ici une B.O. bien sympathique : https://www.youtube.com/watch?v=jtn-vepaSeA