Le Boss
6.5
Le Boss

Film de Fernando Di Leo (1973)

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La valse des pantins ou… Henry (Silva), portrait d’un serial-killer !

(1973. Il Boss.
Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films)

Palerme, années 1970’s. Suite à un massacre commis par Lanzetta (Henry Silva), sur ordre de Don D’aniello (Claudio Nicastro), contre la famille Attardi, une guerre des gangs se met en place. En représailles, l’un des Attardi (Gianni Musy) et le calabrais Cocchi (Pier Paolo Capponi) décident d’enlever la fille de D’aniello contre le Don lui-même, qui est enclin à se sacrifier. Mais Don Corrasco (Richard Conte), son supérieur, ne l’entend pas de cette oreille…et compte bien profiter de la situation pour rebattre les cartes au sein de la pègre sicilienne.
Par rapport aux deux premiers épisodes de la Trilogie du milieu, Il boss demeure le plus méconnu, le plus censuré (près de 20 minutes en moins sur la version française…) et aussi le plus sombre et nihiliste. D’un point de vue personnel, il s’agit clairement d’une référence en ce qui concerne les films de mafieux. Et aussi dans la filmographie d’un de mes acteurs fétiches, le grand (!) Henry Silva dans un rôle de « hitman » indépendant, solitaire et… toujours aussi souriant ! Il faut le voir dès le début du film canarder à coup de lance-grenade une bande de mafieux en train de mater un film pornographique, et faire la morale au projectionniste sur le contenu de ses bobines !
Adepte du cinéma de Melville, Di Leo semble ici clairement s’inspirer du personnage de Jeff Costello joué par Alain Delon dans Le samouraï. L’homme de main archi-pro, mais utilisé comme un vulgaire fusible, faciès fermé, silencieux. Comme dans le polar français, et à l’instar de François Périer, on verra le préfet de police (Vittorio Caprioli, comme toujours en roue libre…) constater que de Lanzetta, on ne connaît que sa date de naissance !



L’anti-Parrain



Déjà initiée dans Milan calibre 9 et La mala ordina, la satire de la mafia trouve son apogée ici, notamment avec l’évocation de la collusion mafia-politique. Par exemple avec le personnage de l’Avocat (Corrado Gaipa) qui est le lien entre les dons siciliens et le continent, les donneurs d’ordres (députés, ministres…). Ainsi le rôle de Don Corrasco est avant tout d’avoir de « bons » résultats dans les circonscriptions électorales… D’ailleurs, une scène où un politique reçoit un pot de vin fût coupée…mais pas celle où Corrasco finance l’Eglise, qui en retour le bénit ! Comment ne pas évoquer aussi le rôle du commissaire Torri (Gianni Garko), flic totalement dévoué à la Mafia, non par intérêt mais par conviction (!?!) comme le montre ce passage où Corrasco demande une faveur au policier :




  • Quand quelqu'un me rend service, je sais me montrer reconnaissant. Je vous obtiendrais une promotion. Certains députés me doivent
    beaucoup, d'autres ont obtenu leur poste grâce à moi. En tout cas,
    vous n'aurez pas de soucis financiers…

  • … Comprenez-moi bien Don Corrasco, j'ai accepté de collaborer avec votre organisation, non par intérêt personnel mais pour le bien de
    l'Etat. L'autorité de l'Etat repose sur l'ordre public et fort
    heureusement, vous aimez l'ordre. C'est pour cela que le parlement et
    moi-même ne vous considérons pas comme un hors-la-loi mais comme un
    collaborateur.



A noter que Di Leo utilisera à nouveau un personnage de flic corrompu dans son film suivant Poliziotto é marcio (Salut les pourris)...
Il Boss s’affirme également comme une sorte d’Anti-Parrain. Comme bon nombre de ses collègues transalpins, la sortie de Le parrain en 1972 ne semble pas avoir enchanté Fernando Di Leo. En effet, la vision romantique de « la pieuvre » délivrée par Coppola ne correspond pas à l’image qu’elle dégage en Italie, où les règlements de compte se succèdent, où les commerçants subissent le racket, où politique et organisation mafieuse sont comme cul et chemise…
Dans ce troisième volet, Di Leo attaque donc en règle l’institution : pas de code d’honneur (Silva ira jusqu’à trahir celui qu’il considère comme son père. Un meurtre des plus ambigus avec un gros bisou de Silva en même temps qu’il appuie sur la gâchette !), pas de sens de la famille (au sens filial) mais plutôt celui de la Famille (l’institution avant tout) et encore, du racisme (les siciliens détestent les calabrais et vice et versa), des alliances et trêves rompues alors qu’elles n’ont pas encore commencé, des hommes servant uniquement de fusibles…



Salut les pourris !



D’où cette valse des pantins, les chefs se succédant au gré des guerres de clan ou des décisions « politiques ». A ce titre, un dialogue entre l’avocat et Corrasco est pour le moins savoureux : faire la paix avec Cocchi n’est qu’une manœuvre tactique…si Corrasco le dessoude rapidement, personne en haut lieu ne s’en émouvra mais il faut faire ça vite et bien. Quelques jours plus tard, ce même avocat laissera faire les assassinats de Corasco et de Cocchi et accueillera un Don « pantin » de plus qui reprend la place avant la prochaine mise à mort… En quelques sorte, Di Leo minimise aussi l’impact des grands chefs mafieux montrés ici comme de simples exécutants. Nous sommes décidément bien loin de Don Vito Corleone… Il est d’ailleurs intéressant de constater que deux transfuges du film américain sont présents dans le film, Corrado Gaipa et Richard Conte, parfaits dans leurs rôles, qui tenaient respectivement les rôles de Don Tommasino et de Barzini.
Toujours et surtout pas de personnage positif dans cette fin de trilogie. On aurait pu croire que Rina (Antonia Santilli), la fille kidnappée, tiendrait ce rôle de victime innocente…mais en fait Di Leo en fait au contraire un personnage amoral qui ne pleurera même pas son père. Nymphomane, alcoolique, droguée (drôle de constater à quel point on se méfiait de la marijuana alors que des choses bien pire circulaient alors…d’ailleurs Corrasco reproche à Cocchi et à ses hommes de consommer l'héroïne qui doit seulement et uniquement transiter par la Sicile : les italiens peuvent faire des overdoses, no problemo, mais pas les siciliens !). Di Leo ne la considère pas comme une mauvaise personne mais plutôt comme le résultat d’une certaine éducation (une façon d’enfoncer encore le clou sur la soi-disant morale mafieuse…)
Théâtral, ironique, sarcastique : voilà comment on pourrait définir les personnages de Torri, grandiloquent, et celui du préfet de police, qui singe Gian Maria Volonté dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon. Le propos du film est très sérieux, presque trop, ainsi ce côté théâtral permet de prendre un peu de distance. Quand on sait que le film a eu des soucis avec la censure, qu’est-ce que ça aurait été si ces deux personnages avaient dit les mêmes choses de façon sérieuse !
Parmi le reste du casting, citons Marino Masé, qui joue un collègue de Silva. Passé par le cinéma d’auteur (Les carabiniers, Les poings dans les poches, Les cannibales) avant de faire sa route dans le Bis (La dame rouge tua sept fois). Il est ici très bon en mafieux loyal, quoique, et efficace. Claudio Nicastro (Cadavres exquis…), en père poule, et son chien de garde Pietro Ceccarelli sont parfaits, de superbes tronches. Difficile enfin de passer sous silence la partition de Pier Paolo Capponi, parfait en malfrat « violentissimo ». Di Leo lui avait dit de se lâcher, d’être le plus dur possible…il a été écouté !
Enfin, Bacalov, qui collabora très régulièrement avec Di Leo, signe de nouveau la B.O. Moins emblématique que celles des premiers volets, certains morceaux de Milan calibre 9 sont repris tel quels, elle tient toutefois la route et ajoute une note fataliste et ironique à ce film qui l’est tout autant. Souvent considéré comme le moins bon de la Trilogie, Il boss s’avère à mes yeux être au contraire le film le plus sérieux et désespérant de son auteur, un film noir solide et sordide à enfin découvrir en intégralité.
Le thème principal de Bacalov : https://www.youtube.com/watch?v=GBv2JrI8fto
La critique de Milan calibre 9 : https://www.senscritique.com/film/Milan_calibre_9/critique/227456639
La critique de La mala ordina : https://www.senscritique.com/film/L_empire_du_crime/critique/227456736
La critique du coffret Blu-Ray : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6142

SB17

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