Introduction à un tout nouveau style mumblecore, Love Steaks est le premier long-métrage de l'allemand Jakob Lass, filmé dans un véritable hôtel, fourni de son personnel le plus non-professionnel cinématographiquement parlant.
De ce décor, les opposés vont se rencontrer : la fiction/le documentaire ; l'introverti/l'extrovertie. Heureusement, quelques bouffées de grand air permettront au spectateur de reprendre son souffle de cet enfermement. Souvent accentuées de musiques électronique (The Knife, et cætera), c'est sur la plage que les deux protagonistes, Clemens et Lara, se rattraperont.
Avec son Fogma#1 (singeant ainsi librement le Dogme95 du duo Lars Von Trier/Thomas Vinterberg), le trentenaire munichois souhaite rassembler, je cite, « la force d'un récit scénaristique, la fraîcheur et l'enthousiasme d'un film d'improvisation et l'absurdité authentique d'un documentaire » (merci Google Traduction). Et c'est en effet cette « absurdité authentique » qu'on se prend dans la face, accentuée par une caméra à l'épaule baladeuse aux mouvements, précisons-le une fois pour toutes, non-exagérés.
Avec le Fogma l'écriture préalable de quelconque dialogue disparaît, faisant table rase pour laisser la place à ces pastilles de vie, ces scènes éclatantes de spontanéité, de naturel. Car c'est bien la vie qui est projetée sur cette large toile blanche. L'amour, le rire, la souffrance, le contact tactile, la sensualité, et cætera.
L'une manipule les aliments (carcasses, végéteux), l'autre dispose de corps flanqués à longueur de journée sous ses mains expertes, manipulant de la même manière, touchant quand ce n'est pas lui qui subit les massages d'une cliente perverse.
L'amorce se créera donc du métier du second, avant que la première ne reprenne le dessus dans une scène atteignant un des climax de sensualité du métrage (à laquelle vient s'ajouter une scène nocturne dans les cuisines de l'hôtel alors que c'est au tour du garçon de se dévêtir, après avoir simulé une fellation, ainsi qu'une autre, dans la chambre improvisée de celui-ci). Sans vulgarité, la caméra permet l'exposition des corps, sans apparition explicite d'acte sexuel au long de cette heure et demie.
Aussi, une réelle tension sexuelle, ou plutôt sensuelle, peu à peu excitante, se créée de leurs rapports aux sublimations sexuelles.
Tout les opposes, et pourtant ils vont se réunir, se croiser et échanger leur rôle ; le réservé va devenir celui qui aide et protège celle qui semblait jusqu'alors la plus forte.
Ces corps retombant pathétiquement, comme attirés sempiternellement par le sol, se battront (figurément et proprement) pour réussir, au moins ensemble.
Un expérience révélée agréable et parfois même, drôle (mis à part ces personnes dans la salle qui riaient tout haut pour pas grand chose — une chute répétée) ; mais surtout, des personnages attachants, du fait de la sincérité de l'ensemble et de cette réelle tension sexuelle s'installant, au-delà de rapports humains incroyables que les règles n'arrêteront pas.
— « Très bien » c'est la case que j'ai coché pour ce film — vu au Festival Univerciné Allemand à Nantes, alors en compétition, sur la petite feuille qui nous était remis et sur laquelle l'on pouvait choisir parmi « excellent », la mention choisie, « bien », « moyen », « médiocre/mauvais » (système complètement arbitraire si il en est — trois avis au-dessus de « moyen », et seulement un en-dessous).
Le film a remporté le Grand Prix du festival Max Ophüls de Sarrebruck (ville allemande jumelée à Nantes) en deux mille quatorze.