Fallait-il sortir Made in France ? La question n’est pas tant la décence d’une telle décision, par respect pour les victimes et le traumatisme vécu par le pays sur la question que la quasi obscénité avec laquelle les distributeurs ont compensé leur campagne de communication pour que le film soit vu ailleurs. Sous le feu des articles, l’affiche nous l’assène : considéré comme Brillant par Première et possédant la force de l’évidence selon Le Monde, Made in France est un film qui doit être vu de tous, nous martèle le Huffington Post.
La liste des défauts du métrage est tellement conséquente qu’elle occasionnerait une critique bien trop longue pour l’attention qu’il mérite, et qu’il a déjà monopolisée. Mal joué, surligné comme un documentaire pédagogique pour moins de huit ans par une voix off initiale, écrit avec des stabilo, le récit nous propose une galerie d’archétypes indignes d’un téléfilm d’M6. Le jeune renoi qu’est dans le fond sympa, le jeune bourge blanc qu’est dans le fond très con (seul élément positif au départ, montrer l’ignorance de ces gars avant l’embrigadement), le beur qui veut en découdre mais qu’est dans le fond humain (putain, pas les femmes et les enfants steuplé), le roux intello en planque qu’est de toute façon un gentil, et donc le chef qu’est lui, le putain de méchant parce qu’il a des yeux grands ouverts dans des orbites un peu trop profonds.
Les portraits n’intéressent pas Nicolas Boukhrief qui saupoudre quelques petits frères et une épouse comme on te fout de la salade à côté de la pièce du boucher au Flunch, pas plus que l’idéologie des djihadistes : un prêche de trois minutes sur la pornographie sur internet, et c’est réglé, on passe à l’action.
Made in France est un film putassier sur tous les domaines. Lorgnant avec la subtilité de Sarkozy vers 2017 sur les séries américaines (Homeland, mais surtout Sleeper Cell), on nous rejoue le coup du journaliste undercover qui va donner des infos et tenter de proposer au plus gentil le combat par les études et les idées, avec un degré de conviction digne de la dernière profession de foi en date de JF Copé.
Tout cela est cousu de fil blanc, et suffirait à nous lasser, mais c’est là bien le moindre de ses défauts.
La suite contient des spoilers.
Ce qui scandalise vraiment, c’est l’évolution du récit et les pirouettes par lesquelles le scénario tente de s’en sortir. Première solution, logique, faire mourir un à un tous les membres de la cellule pour lesquels on peut avoir une vague tendresse à un moment ou à un autre : (ah oui finalement, ils n’auraient pas été si salauds, non ?) ou les décrédibiliser (le personnage de Christophe/Youssef), rassurant le spectateur sur leur incapacité à mener à bout une telle entreprise, ce qui sera le cas. Les scènes d’action sont toutes plus improbables les unes que les autres.
Et le coup de grâce est atteint avec un twist qu’on avait vu venir à des kilomètres : le chef de cellule agit en solo. Non seulement, ça permet de ne pas avoir à gérer des attentats coordonnés comme annoncés au départ, mais de refermer gentiment notre petite histoire qui se résume à un psychopathe (qui veut finalement faire l’attentat, attention gentil, DANS LA CRECHE DE TON FILS AHAH TU FAIS MOINS LE MALIN MAINTENANT SALE TRAITRE), de ceux qui font les affaires du Commissaire Moulin.
Coup de grâce bis : le gentil est sauvé du coup de feu dirigé vers son cœur… dévié par le Coran qu’il portait dans sa poche intérieure.
Sérieusement ? C’est qu…
(Nous nous voyons dans l’obligation d’interrompre cette critique, son auteur ayant fait ce qui ressemble à une crise nerveuse, ou une rupture d’anévrisme. Merci de votre attention et toutes nos excuses pour cet événement indépendant de notre volonté.)