Me voilà donc Lundi soir en compagnie de mes camarades Senscritiquiens, assistant à la cinquième édition de la cinexpérience, me demandant bien sur quoi nous allons tomber. Avec mes voisins nous faisons les pronostiques, se remémorant les films allant sortir dans les semaines suivantes. La salle s'assombrit, des logos inconnus apparaissent alors. Le mystère est encore des plus complets. Allons nous tomber sur la projection tant redouté du Dernier Chasseur de sorcières ? Verrons nous le crâne luisant de Vin Diesel à la fin de la projection ? Et une question hautement plus importante : fermeront-t-ils les portes du cinéma pour nous empêcher de nous enfuir ? Grand Dieu, dans quoi me suis-je encore embarqué... L'écran nous indique alors que le film a reçu la participation de Canal +, nous sommes sauvés, au moins ce sera un film Français. Je regarde à ma droite, à ma gauche, pas de chauve portant un tee-shirt taille douze ans avec des lunettes de soleil. Je respire enfin... Et pendant cette respiration fort agréable, le titre apparaît devant nos yeux obscurcis : Made in France. Un biopic sur la vie d'Arnaud Montebourg ? C'est possible un truc pareil ? Rendez-nous Vin Diesel ! Mais très vite, la voix d'un Imam nous rappelant les grands préceptes conjugaux de la Charia, se fait entendre. Je ne rigole alors plus trop...
Pour reprendre les mots de Nicolas Boukhrief, son réalisateur, Made in France est un film important. Je partage cet avis et trouve cela fort appréciable de traiter d'un sujet pareil au risque de subir les foudres d'un grand nombre de gens allant juger sans voir, critiquer sans comprendre. Le tournage ayant été achevé avant même que les événements du 7 Janvier ne pointent le bout de leur nez, il n'était, de ce fait, pas question de surfer sur l'actualité "à vif" afin de superficiellement toucher le spectateur. Made in France arrive simplement à un moment propice pour que que la question qu'aborde le film se pose à nous.
Tout au long du film, nous suivrons quatre jeunes gens, accompagnés plus tard d'un cinquième, tous radicalisés, souhaitant réaliser le Jihad dans l’Hexagone. Je dis "tous" et c'est à tord car parmi la petite bande, se cache en réalité un journaliste (Malik Zidi) dont la mission préalable était d'intégrer ce milieu radical afin d'écrire un livre sur le sujet. Avec l'arrivée du cinquième homme (joué par Dimitri Storoge), ce dernier se positionnant à la tête de ce qui va bientôt être une cellule Djihadiste, les enjeux sont doublés et le pauvre journaliste se retrouve embarqué malgré lui dans une spirale dont il ne pourra se défaire aussi facilement. Parmi les autres jeunes de la cellule nous avons le fils de bonne famille, de confession Chrétienne (François Civil), converti au nez et à la barbe des siens, plus deux autres personnages (Nassim Si Ahmed et Ahmed Dramé, deux acteurs de qualité) venant d'un milieu beaucoup plus modeste que leur compagnon.
Pour le pitch, nous sommes bon. Maintenant le pari est-il réussi ou non ? J'ai envie de dire les deux. D'un côté nous avons un film traitant d'un problème social très complexe, dont la qualité de traitement est indéniable, tandis que d'un autre, nous avons un thriller parfois maladroit, parfois haletant, un poil cliché peut-être mais qui tient la route. Et un thriller ne saurait être intéressant sans ses personnages. De ce côté-ci, le travail est plutôt bien réalisé. Le jeu des acteurs est impeccable, les problématiques et les enjeux mis en place sont parfaitement identifiables. Une certaine tension arrive même à s'installer. C'est du bon, vous l'aurez compris. Et pourtant j'ai eu peur ! J'ai eu peur parce que la première partie du film nous introduit un climat vraiment dérangeant. Disons que l'on est très rapidement plongés dans une paranoïa et dans un malaise qu'on espère ne plus ressentir avant très longtemps. Ce sont les contraintes d'un sujet pareil bien évidemment. Seulement s'agissant d'une fiction avant tout, le film parvient à se sortir de ce carcan pour nous apporter une expérience hautement plus intéressante. Pour ne prendre que cet argument, on peut souligner le fait que ces Djihadistes sont de vrais amateurs. Ils sont maladroits, confus, en totale perte de repère. Cette maladresse sera même sujet à quelques passages comiques nous induisant l'humanité au fond de ces esprits égarés.
Si le réalisateur parvient à jouer de l’ambiguïté avec ses personnages, la chose n'est pas aussi aisée concernant son cadre. On oscille alors entre les vastes contrées du thriller sans jamais vraiment trouver un rythme convenable. A jouer sur plusieurs tableaux on finit par s'y perdre, si bien que la fin du film est somme toute assez décevante. Décevante car respectant au final un peu trop les codes du thriller de base. C'est un peu dommage car tout au long de l'histoire nous avions droit à certaines scènes dramatiques d'une grande qualité, arrivant à nous clouer à notre fauteuil et à nous demander comment les choses pourront s'arranger. On peut également noter que si la fin tend à devenir classique, l'effet dramatique y perd également en intensité. L'effet dramatique se construit avec parcimonie. Nous le balancer en rafale tel un Uzi crachant la purée, ça devient vite lourd...
Made in France est, il me semble, à ne pas ignorer. Dans l'ensemble mon avis est positif, d'autant plus que je ne savais pas ce que j'allais voir. La surprise a été totale, c'est le cas de le dire. Maintenant avec le recul des années, lorsque nous pourrons le voir comme il est véritablement, à savoir un thriller, aurais-je même regard dessus ? Pas sûr.