Bien malin celui qui parvient à noter sereinement ce film. Personnellement il ne m'est guère aisé de le glisser au sein d'une échelle de valeur. Dans tous les cas, une note ne pourra s'avérer représentative de mon ressenti tant ce dernier se présente à moi comme nébuleux. Peut on aimer ce que l'on ne parvient à vraiment appréhender ni comprendre ? Voilà le profond sujet du dernier film de Xavier Dolan.
Louis n'a pas revu sa famille depuis douze ans, non que ça lui déplaise ou même l'intéresse. Difficile de percer l'esprit de cet homme, difficile d'arriver à le faire parler de lui, à parler de ce qui est réellement important. Et pourtant ce dimanche, dans une époque et une ville qu'on ne connaîtra jamais, Louis va tenter d'exprimer l'inexprimable ; la mort, sa mort. Le sida l'enveloppe pas à pas dans son grand manteau de plomb, le contraignant à l'immobilité suprême, au trépas.
Ce n'est pas seulement sa famille qu'il retrouve, c'est un lieu, une atmosphère. Il découvre une sœur qu'il ne connaît pas, qui cherche à l'impressionner pour cacher sa perdition, il découvre une belle sœur en plein malaise, fine mais exclue. Louis redécouvre une mère qui, dans son inconditionnel amour, fait mal, assomme. Et puis il y a ce frère terrible, tellement fier, qu'un sentiment fraternel agite, patauge dans la mare, cherchent continuellement à se mordre la queue.
Juste la fin du monde n'est tangible que dans son format cinématographique, dans les regards posés, filmés longuement jusqu'à l'excès. L'émotion, bien que complexe se présente sans avoir besoin de s'expliquer. Il n'y a d'ailleurs aucun intérêt à cela. Plus le récit s'écoule plus on doit se laisser aller à abandonner son désir ainsi que sa satisfaction. Une histoire de deuil, voilà ce à quoi nous avons droit. Une histoire qui ne peut se jouer, qui ne peut s'exprimer avec des mots mais par un regard que l'on est tous susceptibles de ne pas remarquer.
Je l'attendais au tournant cette fin du monde, craignant que le succès de Dolan étiole sa volonté d'écriture et d'infinie pertinence. Il y avait également cette bande d'acteurs français, éminemment bankable, qui pouvait noircir le tableau sous le regard mollasson de Cotillard ou les élans de machisme de Cassel. Or, me voilà confus d'admettre que le casting ne pouvait être mieux choisi. L'acting est superbe, naturel, il devient d'une signifiance et d'une insignifiance profonde sous la caméra, l'œil sensible d'un Dolan en pleine et douce mélancolie.
Une œuvre que je trouve touchante quoiqu'un peu excluante pour qui n'arriverait pas à se sentir concerné. Personnellement, je me suis retrouvé à bien des égards et pas seulement parce que notre héros et moi portons le même prénom... Il n'y a plus qu'à lire la pièce désormais.