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Au commencement...


Comment commencer à parler de ce film sans en révéler toute l'essence ? C'est bel et bien impossible. Le nouveau venu de chez Aronofsky n'est pas une œuvre dont nous pouvons parler tranquillement au coin du feu avec deux-trois cocktails sans qu'une vive émotion ne vienne prendre le pas sur tout le reste. Difficile de noter ou même de juger le travail accompli ici tant il va être assez compliqué de digérer Mother!, parce qu'on en bouffe de la mère, en long en large et en travers. Elle t'explose à la gueule en un million de frissons, la mère. Elle t'enferme avec elle, la mère, dans l'étouffement, dans l'angoisse, la vie et la mort.


Mother! évoque une vie de couple qu'on aurait pu penser banale, entre un homme et une femme au beau milieu de nulle part dans une maison au lourd passif. Notre héroïne qu'incarne Jennifer Lawrence évolue dans cet univers clos, travaillant au jour le jour pour retaper à neuf cette maison aux allures de petit Paradis. L'Homme, Javier Bardem, est écrivain et comme tous les écrivains à un moment T, il tire à blanc sur ses pages, incapable de toucher l'Inspiration merveilleuse. Du bonheur, le couple n'en a ni les manières ni les expressions, cela se remarquera aisément lorsqu'un inopportun voyageur fait son apparition dans le foyer, amenant avec lui la somme de tous les problèmes. Va s'en suivre une dégringolade des plus fascinantes comme des plus terrifiantes, l'arrivée de l'étranger menant le petit Paradis vers l'Enfer et le chaos.


Je m'arrête volontairement à ce stade précoce de la critique et m'apprête à rentrer plus en avant dans le sujet car analyse il y a, analyse il faut. Un conseil, allez vous faire votre propre idée du rejeton terrible d'Aronofsky avant d'aller plus bas ou bien votre plaisir sera totalement gâché, croyez moi. Pour les autres, bienvenue et tâchons d'y voir plus clair dans cette œuvre qu'on pourrait penser à tort comme totalement absurde et vide de sens.


Après l'échec critique que s'est mangé son dernier né, Noé, Aronofsky décide d'abandonner la fresque héroïque biblique pour retomber non loin ; dans le thriller horrifique à consonance biblique. Car oui, il est question de religion dans Mother! Si elle n'est pas abordée de manière frontale et didactique, histoire que le spectateur ne se laisse porter que par la référence, Aronosfsky décide ici d'apporter sa vision contemporaine de la Bible, de la Genèse à l'Apocalypse, du commencement à son éternel renouveau, à son éternelle réécriture.


Bardem est le Dieu de son foyer. Il est l'écrivain qui distille sa pensée, sa vision rêvée de l'existence dans l'espérance de former autour de lui une cohorte d'adeptes, juste bons à lui éviter une terrible solitude. Lawrence, elle, est la première mère, la plus importante entre toutes, elle est mère Nature, avec un grand N à la manière de Spinoza. Elle incarne l'esprit de la maison, elle est son cœur, sa vie, sa chair, elle est tout et offre tout jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à donner et que la vie s'effrite à nouveau pour laisser place à un cycle neuf.


Dieu est terriblement seul, nous disions. Il ne peut se satisfaire d'un monde où sa pensée ne peut être transmise. Apparaît alors notre étranger, Ed Harris en l'occurrence. Faisant office d'Adam, il est bientôt rejoint par une Ève, Michelle Pfeiffer, en total rejet de la Nature. Ils sont suivis de leurs deux enfants, recréant ensemble le premier sang du catholicisme, de Caïn à Abel il n'y a qu'un meurtre.


L'Homme a goûté à la violence, c'en est fini de lui. L'unique solution : établir un nouvel ordre. Celui-ci s'exerce par l'enfantement le plus connu de histoire de l'humanité ; celui de l'enfant Jésus. Et rendre la Nature fertile procure en parallèle chez Dieu un nouveau désir, une inspiration suprême. Il voit là une chance de réitérer à inspirer et à se faire aimer de l'Autre.


Or, Dieu est bien naïf de croire en l'Homme. Il a vu sa destruction, son énergie pulsionnelle à rechercher à s'approprier par la violence un bout de paradis et d'éternité. De son aveuglement va naître une nouvelle ère de chaos que seule Nature sera à même de vivre dans l'horreur absolu. Les Humains affluent alors en masse dans le foyer, brisant toutes les règles, cassant tout, brisant tout, dégueulant, suintant, bouffant, baisant, violentant, tuant... Le Paradis qu'avait tenté de construire Nature n'est plu, la faiblesse de l'Homme, résultat de celle de son Créateur, achève l'amour, achève la vie jusqu'à ce qu'une vive explosion de colère divine vienne s'abattre sur le monde pour tout pulvériser...


Quand on ressort de Mother!, on a chaud, on transpire, on sent que quelque chose ne va pas. Est-ce le film qui n'est pas bon ? Même pas. Est-ce le film qui est excellent dans ce cas ? Je ne saurais dire. Mother! t'emporte tout simplement dans son esprit confus et pessimiste quant à l'existence, le tout par des visuels complètement hallucinants, une ambiance quasi-unique et une violence exceptionnelle. C'est peut être, d'ailleurs, en allant dans ce sens qu'on pourra expliquer ce qui ne va pas. Au delà du film, de ses qualités sensorielles, visuelles (etc), au delà de son scénario passionnant à la brillante métaphore, Aronofsky en fait trop, beaucoup trop. Il ne cherche pas seulement à nous montrer le chaos, il nous maintient la tête tout au fond de l'Enfer jusqu'à te vomir à la gueule tout le contenu de son estomac. En réalité, nous sortons du film gavés jusqu'à ne plus jamais ressentir la faim, rincés comme si nous ne pourrions jamais plu ressentir quoi que ce soit. Émotion unique s'il en est, demeure à double tranchant entre le génie et l'extrême surenchère.


Mother! est très certainement un film qui restera dans les mémoires, peu importe son accueil par le public. Inclassable, terrible, excitant, vomitif et prodigieux, l'œuvre les incarne tous sans chercher la demi-mesure, l'émotion avant tout.

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le 8 sept. 2017

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Fosca

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