Bien que préparé à recevoir ma dose de barbaque dans le gosier sans passer par la case déglutition, je ne peux qu'être dans un tel état de dégoût et d'excitation à la fin de ce film qu'il me sera compliqué de m'en remettre...dans un sens comme dans l'autre.
Justine est une jeune fille à l'orée de la féminité, de la maturité dirons-nous, chez qui la cellule familiale apparaît comme rigide, avec la végétarisme en porte-étendard. Lorsque l'heure est arrivée pour notre héroïne de quitter le nid et de rejoindre l'école vétérinaire transgénérationnelle, c'est une chiée de dérèglements de vie qui vont lui tomber dessus sous l'œil complice d'une sœur aînée en seconde année d'études. D'un bizutage qui rompt totalement l'esprit enfantin pour le catapulter dans la "liberté" adulte, Justine va se saisir d'un corps qu'elle ignorait jusqu'alors, un corps jouissif, orgasmique, soumis à des destins pulsionnels qui vont s'avérer des plus singuliers, la redécouverte de la destruction orale en pôle position... Tâchons de taire le reste.
Avant tout, Grave est un regard sur l'homme au sens humain, c'est un regard sur la bestialité qui l'anime, que ce soit dans l'acte amoureux, dans la chair, que dans l'agressivité, l'élan de liberté qui amène un sujet à se détacher du modèle parental pour entrer dans un conflit d'un genre nouveau. Justine se retrouve en plein dedans ; à désirer sans pouvoir se réprimer, le refoulement familial balancé aux orties pour laisser place à l'identité. C'est d'ailleurs ce dernier élément qui va constituer une partie du propos du film ; l'identité de Justine. Si celle ci s'avère prendre sa nouvelle nature comme un moyen de comprendre l'énigme de sa psyché, la sœur aînée se retrouve, elle, en pleine régression, échappant totalement à l'humanité pour se rapprocher de l'animal. En point d'intersection des deux courbes nous trouvons Adrien, le copain de chambrée homosexuel de Justine, celui là même qui va incarner l'équilibre, la raison, le juste milieu entre l'homme et la bête, le support qui va permettre deux basculements.
Grave est là pour plonger le spectateur dans un profond malaise, on le remarque dès lors que le festin fantasmatique et actif font leur apparition, le tout englobé d'un regard porté sur le corporel et l'horreur d'un moi-peau singulier. Et pourtant s'il dérange, la volonté d'écriture de ce film n'est guère provocatrice ; on ne va pas tester ta résistance nauséeuse sans te présenter en accompagnement une flopée de symbolismes tous plus juteux ainsi qu'une réalisation parfois sublime, jouant avec un gore mêlé d'art. L'ambiance est sulfureuse, oppressante bien des fois, elle saisit par des pointes d'orgues et une musicalité à affoler le palpitant. Le travail des lumières, des couleurs, tout cela est également à noter dans ce tableau qui, bien que chargé, n'a pas à nous faire régurgiter quoi que ce soit si ce n'est des mots, le ressentis d'avoir passé un étrange moment. Grand, assurément, mais étrange. Rien de grave à ça.