Le cinéma de Park Chan-Wook est toujours d'une beauté formelle indiscutable, mais son fond me laisse parfois perplexe comme ce fût le cas avec son dernier film Stoker. C'est donc avec une certaine appréhension et surtout retard, que je me suis enfin lancé dans sa nouvelle oeuvre.


Mademoiselle est une adaptation du Bout des doigts de Sarah Waters. L'histoire se déroule en trois parties où chacune d'elle remet en cause les faits racontés précédemment. Le film se joue du spectateur en lui proposant une lecture différente des événements, cela rend l'intrigue imprévisible. Le premier acte est le point de vue de la bonne coréenne, le second de la mademoiselle japonaise où les détails aperçus dans le précédent trouvent un semblant d'explication, avant que le dernier acte nous livre sa vérité. C'est un résumé succinct des enjeux se déroulant devant nos yeux, le drame étant surtout d'une beauté visuelle époustouflante, comme la romance d'une sensualité renversante au sein de ce thriller machiavélique.


Mademoiselle Hideko (Kim Min-Hee) est une jeune femme enfermée dans une immense demeure appartenant à son oncle Kouzuki (Jin-Woong Cho). Elle ne connait pas le monde extérieur et baigne dans un confort matériel superficiel, loin de la réalité du monde qui l'entoure. Son oncle a pour ambition de l'épouser et de s'accaparer sa fortune, mais le Comte (Jung-Woo Ha) a le même projet en tête et pour mieux arriver à ses fins, il a fait engagé sa complice Sookee (Kim Tae-Ri) pour qu'elle soit sa voix auprès de la belle captive. Mais l'amour va modifier les plans de chacun et remettre en cause leurs désirs.


Le jeu en vaut la chandelle, mais surtout la bougie. Mademoiselle est un agneau dans une bergerie où les loups veulent la séduire. Son isolement en a fait une jeune femme naïve et seule. Elle n'a pas d'amies et vit dans la peur permanente de la mort. Elle est comme une enfant se laissant materner par sa nouvelle bonne. Celle-ci n'est pas indifférente aux charmes de sa maîtresse et va être troublée par l'évolution de leurs rapports devenant de plus en plus intimes. Comme sa bonne, son oncle, le comte et d'autres, on est séduit par sa beauté et détresse, mais aussi par sa bonne et la réalisation de Park Chan-Wook.


C'est une oeuvre sensuelle et élégante. L'histoire d'amour est émouvante, elle naît dans le mensonge au sein d'un jeu de dupes où chacun va jouer son rôle à la perfection. L'érotisme des mots et des scènes sont envoûtantes, on est troublé par tant de grâce et de perfection visuelle. Il se dégage un parfum vénéneux au cœur de ce thriller psychologique. La perversion des rapports humains est déroutante, on en sait plus où l'histoire va nous conduire et on va attendre de découvrir ce que recèle le sous-sol. Mais avant de nous plonger aux tréfonds de l'âme humaine, on va se retrouver face à une nouvelle réalité. Les objets prennent une nouvelle dimension, tout comme les lieux et surtout le puits de savoir qu'est la bibliothèque.


On est manipulé par Park Chan-Wook et c'est un régal. J'adore que l'on me ballade dans tout les sens, ça me sort de ma zone de confort et stimule mon esprit. C'est comme le cinéma de Stanley KubrickDenis Villeneuve, on ne sait plus vraiment ou on va, mais le voyage est riche en émotions. Encore faut-il que la fin ne gâche pas le plaisir ressenti précédemment. Malgré son apparente simplicité, l'histoire recèle divers trésors, tel les courbes sensuelles de ses épatantes actrices principales Kim Min-Hee et Kim Tae-Ri. L'érotisme et la beauté de cette relation ne suffit pas à combler mon insatiable besoin de sensations. C'est dans la beauté de la demeure, du jardin, des plans, de la photographie et des détails, que le film finit par séduire. L'humour n'est pas absent, le mélange des genres est une des principales qualités d'un cinéma sud-coréen n'en finissant plus de me surprendre et de m'émerveiller.


Troublant, séduisant, envoûtant, élégant où encore fascinant, sont les mots me venant à l'esprit dès que je pense à cette oeuvre magnifique signée Park Chan-Wook. Sa maîtrise visuelle est un plaisir pour les yeux et les sens. On en sort ému et séduit par tant de perfection.

easy2fly
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le 26 nov. 2016

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Laurent Doe

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