Old, de M. Night Shyamalan, s’inscrit parfaitement dans le reste de l’oeuvre de cet américain fasciné par les phénomènes paranormaux (ce n’est pas pour rien que l’un de ses films se nomme The Happening, titre qui pourrait être, à quelques exceptions près, celui de tous ses long-métrages) : un pitch envoûtant (une plage isolée sur laquelle on vieillit d’un an en trente minutes), et son autre spécialité, un twist qui tue (clin d’œil ironique aux coronasceptiques) . Avec Old, Shyamalan ajoute une pierre à l’édifice qu’il construit depuis vingt ans : un univers entre mille reconnaissable, fait d’inquiétudes majeures, de cauchemars éveillés et de complots délirants.

Parfois cette machine tourne à vide ou presque (Phénomènes, Signes), souvent elle produit des petites merveilles (Sixième Sens, Incassable, Le Village, The Visit). Old tire plutôt vers la seconde catégorie, sans toutefois s’élever au niveau de ses chefs d’œuvre. C’est le cas depuis Split, Shyamalan embrasse des films-concept sans s’embarrasser de subtilités scénaristiques pour nous faire adhérer à sa cause. Les ellipses un peu sauvages de Old sont là pour nous le prouver : plus que jamais, Shyamalan nous invite à nous laisser porter par les événements, sans se poser de questions. On peut trouver le procédé un peu culotté (ou fainéant, au choix) mais il faut reconnaître que Shyamalan sait toujours jouer avec nos nerfs : cette façon qu’il a de faire surgir l’émotion (le cadavre dans l’eau, l’opération chirurgicale, la grossesse express, la maladie mentale dégénérative qui file au galop) est assez inimitable. Et il n’est pas exagéré de dire que par instants, Old est bouleversant (la façon dont le personnage de Gael Garcia Bernal s’éteint), qu’à d’autres il est effrayant (la bimbo qui se transforme en sorcière dans une ambiance à la The Descent), et qu’enfin, Old peut se montrer aussi très drôle (le chirurgien qui radote).

On pourrait aussi louer la capacité de Shyamalan à filmer l’impossible, à savoir le vieillissement en temps accéléré de tous ses personnages : pour ce faire, le réalisateur utilise toute une palette d’effets, utilisés avec maestria, et qui font de Old un film par moments quasiment expérimental. Evidemment cela n’efface pas les petits trous d’air scénaristiques, une interprétation parfois tiédasse, notamment de la part Gael Garcia Bernal, peu crédible en mari amoureux transi un peu concon. Mais les plans forts qui traversent Old de bout en bout nous rappellent l’essentiel : de la nouvelle vague (déjà vieillissante) de réalisateurs américains ayant rencontré de grands succès dans les années 2000 (Nolan, Aronofsky, Fincher), Shyamalan se place clairement au-dessus en termes d’intentions et de singularité.


Francois-Corda
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le 24 août 2021

Modifiée

le 6 juin 2024

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François Lam

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