Filmer l’adolescence. Le sujet est complexe, porteur et glissant. Qu’on se remémore des récents Spring Breakers ou Bling Ring, le potentiel dramatique de ces êtres à la conduite ordalique fulgurante est indéniable.
Palo Alto se distingue d’emblée de ses prédécesseurs par une volonté de s’inscrire dans un quotidien assez éloigné des faits divers. Si événement il y a, c’est par le prisme d’une distance ironique non dénuée de tendresse : désabusés, à la recherche d’un frisson dans ce monde suranné, les jeunes écervelés tronçonnent des chênes centenaires ou roulent à contresens, se biturent et baisent sans passion.
Les désillusions et la vanité de ces cris dans la nuit n’ont rien d’original, et c’est précisément cette prise de risque qui séduit le plus. Gia Coppola (petite fille de Francis, nièce de Sofia) s’attache avant tout à restituer sur la durée l’essence même de cet âge ingrat, fondé sur le bancal de l’entre deux et l’ennui d’un avenir qui n’advient pas, ou alors dans la désillusion. Les scènes les plus réussies sont ainsi celles de l’oisiveté des mornes après-midi solitaires, de conversations ineptes où l’on voyage dans le temps pour s’inventer des destinées différentes, ou de l’incapacité à traduire en mots ce que le regard hurle : le couple adolescent formé par Emma Roberts (nièce de Julia) et Jack Kilmer (fils de Val dont l’apparition est pathétique dans tous les sens du terme) semble pétrifié par les codes d’un âge où l’on se dit Fuck à la place de bonjour.
A cela s’ajoute la thématique du deuil de l’enfance, discrètement évoquée dans ses vestiges d’objets sur les étagères et de balançoires qui tournent à vide.
Parce qu’il évite le piège du clip et la pose clinquante, en prenant le risque de la modestie et l’humilité, Palo Alto parvient à toucher sans pour autant renouveler le regard sur son sujet.
Sergent_Pepper
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le 28 oct. 2014

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Sergent_Pepper

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