Lancé sur Netflix deux semaines après sa sortie mondiale, Hush est la nouvelle bobine horreur/thriller de Mike Flanagan, qui s'est déjà illustré par Absentia (2012) et Oculus (2014). C'est un home invasion qui démarre avec de fortes ambitions et à l'arrivée, aura surtout utilisé ses atouts comme gadgets – évitant intelligemment la platitude et la banalité, mais n'y échappant pas suffisamment pour être plus qu'une petite anecdote. Le film montre un état de siège plutôt qu'une invasion classique, d'où son intérêt au-delà de l'intensité 'normale' dans ce secteur. La mise en scène s'attache à refléter la pression plaquée contre l’héroïne, une sourde-muette devenue romancière à succès. Son isolement sensoriel et ses méthodes d'écrivain sont mis à profit pour enrichir l'expérience du spectateur.
Ce détachement subi décuple la menace, le tueur ayant a-priori une longueur d'avance suffisante pour prendre le risque de jouer. Le toucher et les vibrations, les 'sous' bruits (ou 'infra') prennent le relais pour elle. Le spectateur y est introduit carrément, ou sensibilisé ; sur la durée il a conscience de son avantage sensoriel, apprécie autrement les sons, aidé en cela par la post-production. À de nombreuses reprises les bruits sont ressentis par nous comme par elle. Son souffle, ses pas, les objets qu'elle bouscule ; les sons naturels, les froissements, etc. Pour l'agressée la tâche est d'autant plus rude qu'elle doit garder l'esprit froid et tout le corps aux aguets ; elle ne doit pas faire un de ces bruits que lui seul entendrait. Comme films à sensations Hush a donc sa touche remarquable, mais dans le genre il peut frustrer car il impose la concentration au détriment du tout-viscéral et des enchaînements brutaux.
C'est aussi pour des raisons directement traduisibles sur papier qu'Hush peut laisser circonspect. Passé les charmes de cet habillage atypique (qui d'ailleurs ne va pas jusqu'à la pureté), Hush reste indolent et assez égal dans son déroulement. Il fait le coup du voisin pas très habile – avec un certain succès. Grâce à la voix intérieure de Maddie (Kate Siegel), à ses anticipations et parfois ses tentatives, la machine sait se relancer ponctuellement, puis définitivement avant une issue assez poignante où quelques verrous sautent. Le tueur (par John Gallager Jr) est à la fois un pseudo boogeyman médiocre et un motif de dégoût, donc de mobilisation de l'attention, très puissant. C'est un type terriblement fade, décevant éventuellement pour ça, repoussant au travers de cette qualité.
Manifestement il a construit son délire, méditée son attaque, travaillés ses instruments – qui ne facilitent pas la tâche, mais ont vocation à 'l'amuser', à doper le délire, transformer la simple agression en chasse malgré le quasi surplace attendu. Il a mûri ce plan et l'applique avec recul et conscience, ce n'est pas le psychotique de service ou un exalté. C'est un gars 'invisible', dur et taciturne avec l’œil mauvais, lucide sur sa faiblesse et sa banalité, qui passe à l'action. Lors du long moment où il découvre son visage, son expression laide met un coup et en même temps, voir le bourreau est comme rien ; car il n'est pas identifiable, même pas tellement effrayant. C'est l'indifférent se donnant des droits sur vous, ce qui produit un vertige et une espèce de blanc qu'un taré plus marqué n'autoriserait pas. Aller chercher cet effet-là est finalement tout aussi payant que de jouer sur le grotesque – et son masque pourtant était éloquent, digne d'un boucher citoyen des American Nightmare (produits également par Blumhouse).
https://zogarok.wordpress.com/2016/12/26/hush-pas-un-bruit/