« L’espèce humaine n’est pas entièrement foutue ».
Porco Rosso pourrait a priori se voir comme un long métrage qui n’appartient pas à son créateur. Les amoureux de Chihiro, Mononoké et Ponyo ne retrouveront pas la magie, l’univers foisonnant et mythologique qui fait leur charme. C’est pourtant une œuvre d’une grande beauté, et dans laquelle l’auteur dissémine tout ce qui fera la grandeur de ses films à venir.
C’est avant tout un film solaire, qui joue avec deux éléments majeurs que permettent de joindre le motif central de l’hydravion : l’air et l’eau. Ballet aérien sur la mer de l’Adriatique, mouvementé et gracieux dans les scènes d’abordage de pirates qui ajoutent à la mouvance des flots la 3è dimension de la profondeur des cieux.
C’est aussi un film classique, dans le sens noble du terme : l’adolescence, l’amour, les souvenirs, occasionnent de très belles séquences appuyées par une musique délibérément hollywoodienne qui évoque les grands films de Leone et le lyrisme de Morricone. Le thème du cinéma est d’ailleurs omniprésent dans le film : c’est une revue de stars qui masque le visage de Marco dans la première scène, le cinéma diffuse en noir et blanc un avatar de Mickey lui-même en avion, Curtis veut devenir star puis président des Etats-Unis… avec tendresse et recul, Miyazaki paie son tribut.
L’ancrage historique et européen du récit permet aussi l’évocation de thèmes peu abordés dans l’animation : la guerre, le fascisme, la condition des femmes notamment. La séquence onirique du cimetière céleste des avions est ainsi un superbe chant de mémoire aux combattants morts au combat, tout comme l’histoire d’amour contrariée par la mort et les regrets dit les plaies béantes que laisse le conflit.
Mais Miyazaki ne laisse pas lui échapper tous ces éléments. On retrouve plusieurs éléments qui font la spécificité de son univers. D’abord, celui ô combien salvateur, dans l’océan Disney, de la réversibilité des méchants. Les pirates tantôt ennemis, tantôt alliés, profondément drôles, et l’ennemi juré qui finit par danser avec Marco dans les airs, pour la beauté du geste avant de tendre ses poings…
Nul ne saura véritablement la raison pour laquelle le protagoniste est devenu cochon, s’il se métamorphose définitivement à la fin du film et la raison pour laquelle il ne revient pas. Mélancolique et drôle, puissamment visuel et discrètement engagé, Porco Rosso est de ce point de vue un grand film sur la maladresse et la solitude, le deuil et l’amour sacrifié.