En revoyant Porco Rosso je me suis rendu compte qu'il avait bien plus de qualités que ce que mes souvenirs me laissaient croire. Sûrement l'un des Ghibli les plus romantiques et les plus réussis, premier gros succès au box office français ayant contribué à la découverte et à l'attachement du public de l'hexagone envers le studio, un Miyazaki un peu à part je trouve.
A part parce que malgré l'aspect surréaliste de son héros, ce qui est notable dans Porco Rosso c'est son encrage dans un contexte historique bien réel. Ici pas de royaume, ni de contrée imaginaire revêtant les traits d'une Europe alternative de l'époque de la révolution industrielle comme c'est souvent le cas dans les films du maitre. Nous sommes en pleine Europe d'entre deux guerres, traversée et ruinée par la crise qu'elle partage avec le reste du monde. On évoque l'absence des hommes et de la force de travail, les prix qui flambent et la récession, la fin d'un monde peuplé d'aventuriers régis par des codes d'honneurs désuets face à l'argent roi et à la montée d'idéologies insensées.
Pas de message écologiste donc (ce qui est assez peu fréquent pour être notable), ni de créatures fantastiques; mais toujours une dénonciation de l'homme et de la stupidité de ses luttes qui cette fois puise sa force dans le contexte de faits historiques évoqués ça et là dans le film (montée du fascisme, crise économique, la perte d'hommes de valeurs et bien aimés "sur le front").
Au passage Miyazaki rend une fois de plus hommage aux femmes— et notamment les femmes qui constituaient du coup la main d'œuvre des pays dont les hommes étaient partis en guerre—, en appuyant leur force, leur courage, leur dévouement et leur patience infinie, par un contraste habile avec leur caractère sensible, doux et leur beauté intrinsèque.
Porco Rosso est un film mélancolique et semble refléter la nostalgie d'un monde qui change, avec la vie qui sème les souvenirs chers, les amours et les amis sur la route. Le travail de direction artistique renforce cette impression d'intemporalité douce amère à l'aide de décors somptueux fourmillant de détails fidèles à l'époque qu'ils dépeignent, d'une musique bien inspirée (Hisaishi guidé par les mélodies italiennes d'alors, et ce magnifique "Temps des cerises" repris par Gina), et d'instants flottant à mi chemin entre l'onirique et le suspens.
Comme toujours chez Ghibli, les personnages hauts en couleurs et l'humour sont à l'honneur, et un regard amusé et attendri est posé sur la jeunesse espiègle et fougueuse. Les gentils méchants pirates au cœur gros sont aussi de la partie, rassurez vous.
Miyazaki rend donc un bel hommage à une certaine époque, à sa passion pour l'aviation et à l'aventure; celle parsemée de risques, d'enjeux, de liberté et d'amour. A la fois dynamique et flottant, surréaliste et lucide; sûrement l'un des tous meilleurs films du studio.