Making murderers
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Être noir aux États-Unis, c’est ça, c’est raccompagner en voiture, un soir, votre rencard Tinder, se faire arrêter par un flic blanc visiblement raciste, à cran, pro de la gâchette facile et qui cherche la moindre broutille pour vous dégommer parce que vous êtes noir, donc forcément en tort, donc forcément coupable de quelque chose. Alors quand il tire sur votre rencard, vous vous défendez et vous tuez le flic, sans le vouloir, en état de légitime défense… La cavale peut commencer pour les deux futurs tourtereaux, avec la légende au bout de la route, en icônes géantes sur un mur. Et le film de se faire le témoin d’une transformation, celle d’un fait divers, d’un fait de société devenu tristement banal en sorte d’épopée Black lives matter.
Les deux fugitifs vont ainsi apprendre à se connaître, vont se confier, se rapprocher puis s’aimer. Leur couple se construit dans l’urgence et le danger, avec la mort aux trousses. Et deviendra malgré lui l’emblème d’une communauté afro-américaine sans cesse confrontée aux discriminations et aux violences policières, lesquelles n’ont pas attendu Trump pour se manifester. Empruntant tout autant au cinéma de Spike Lee qu’aux mythes du road trip et de la cavale amoureuse (Bonnie & Clyde, La balade sauvage, Thelma et Louise…), Melina Matsoukas accompagne ses deux héros droit vers leur destin à travers un pays bienveillant et dangereux, beaux et sombre à la fois (voir la scène où Ernest regarde un magnifique paysage d’un côté et Angela, de l’autre, des prisonniers noirs travaillant dans les champs comme au temps de l’esclavage).
Parfois dur, parfois poétique (danser tendrement dans un bar, monter sur un cheval, s’enivrer du vent et de la liberté par la vitre ouverte d’une voiture…), toujours emballant, jamais trop manichéen (des blancs qui comprennent, des noirs qui ne sont pas d’accord, des blancs qui aident, des noirs qui trahissent, et inversement), le film fait surtout la part belle à ses deux acteurs, Daniel Kaluuya et Jodie Turner-Smith, superbes de présence et d’intensité. Parfois aussi, Matsoukas commet quelques impairs, comme ces deux ou trois affèteries de mise en scène, ce final poussif ou ce montage alterné plus que douteux entre une scène d’amour et une scène d’émeute en faveur des deux fugitifs. Pas complètement grave : on reste touché par cet hymne à l’amour naissant qui n’oublie pas ses racines, celles d’une Amérique hantée par un passé peu glorieux. Une Amérique détraquée où l’on tue un noir qui fait son jogging parce que pris, forcément, pour un cambrioleur qui s’enfuit.
Créée
le 18 mai 2020
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