Quatrième film de David Cronenberg, Rage poursuit la lignée de Frissons et permet au cinéaste canadien d'étudier ses thèmes de prédilection comme l'expérimentation du corps humain, la contamination ou encore la médecine.
Ici, il part d'un point de départ plutôt banal, à savoir un accident de moto et une hospitalisation dans l'urgence et, à partir de là, il va mettre en place le vrai contexte de son film avec l'humain servant de cobaye, puis la création d'un orifice dans l'aisselle de celui-ci qui va le modifier, le rendre incontrôlable sans s'en rendre compte et surtout capable de transmettre la rage. Cronenberg montre tout son savoir-faire pour faire monter l'angoisse et la peur mais aussi, et c'est là l'une des réussites de Rage, une ambiance un peu plus désenchantée, voire même mélancolique et il prend intelligemment son temps pour la mettre en place.
Alors, c'est parfois un peu maladroit, certains points de l'histoire sont un peu décevants, mais rien n'empêchant d'être pris par l'ambiance du film, où la tension monte peu à peu jusqu'à un final aussi surprenant que réussi. Cronenberg va assez loin dans son truc, n'hésitant pas à être bien dégueulasse, bien que parfois à la limite du grotesque, et si c'est dommage qu'il n'est pas non plus poussé le concept de base jusqu'à l'extrême, il montre un véritable savoir-faire, un certain sens du rythme et déjà un vrai talent pour mettre en place des ambiances vraiment prenantes, comme il le fera par la suite dans les fantastiques (dans tous les sens du terme) Vidéodrome ou La Mouche.
Le manque de moyens ne se fait pas forcément ressentir, il bricole un peu mais axe bien plus sur l'ambiance que le spectaculaire, permettant donc à l'oeuvre de faire encore effet aujourd'hui. Il construit bien son récit, d'abord en (presque) huis clos dans un hôpital puis dans la rue, au contact de la civilisation. Il met donc l'humain face à la peur de l'autre mais aussi de l'inconnu, certaines scènes sont d'ailleurs des modèles du genre, à l'image de celle dans le métro. Le casting est plutôt bon, chacun arrivant à retranscrire les particularités et sensations de son personnage à l'image de Marilyn Chambers, pourtant actrice de porno.
Avec Rage, Cronenberg démontre déjà tout son savoir-faire pour poser une ambiance et si elle n'atteint pas non plus certains sommets qu'il fera par la suite, elle reste néanmoins angoissante et prenante à souhait, tout en permettant au canadien d'étudier ses thèmes de prédilection.