Réalité est mon deuxième Dupieux, après Wrong, que j’avais beaucoup apprécié, par son originalité et son univers poético-absurde. Je n’avais pas tout aimé, des scènes géniales côtoyant d’autres moins drôles ou un peu lourdes, mais l’ensemble m’avait séduit.
Ici, l’univers est toujours là, même si moins poétique et plus cérébral. Le film est plus nombriliste aussi, mais plus ambitieux et plus maitrisé.
On assiste à une série de mises en abîmes et jeux de miroirs entre le rêve et la réalité, qui maintiennent notre esprit en éveil, tout en nous procurant un certain vertige.
Dupieux mélange les genres entre comédie et fantastique/épouvante, ce qui crée un certain malaise, tout en apportant un humour décalé. Les références explicites au Lost Highway de Lynch, ainsi que la musique entêtante de Philip Glass font que l’on n’est pas tout à fait tranquille, mais on comprend tout de même bien qu’on est là pour rigoler.
Les détails incongrus, comme la cassette vidéo qui sort des entrailles du sanglier mort, le type qui se gratte à cause d’un eczéma, mais un eczéma à l’intérieur de la tête, ou le réalisateur dont le travail consiste à pousser des cris de douleur pendant toute une journée, participent à la fois à rendre l’atmosphère étrange et le film drôle.
Tout comme il mélange les genres, Dupieux, ce réalisateur français filmant en Amérique, mélange les langues et ses acteurs français (Alain Chabat, Elodie Bouchez, Jonathan Lambert) parlent tour à tour en anglais et en français, ainsi que certains acteurs américains parlent en français. De la même façon, le personnage du producteur du film (un français en Amérique) emploie une traductrice pour communiquer avec un réalisateur américain, alors que pourtant, il parle anglais et lui parlera même directement dans sa langue, à la fin.
Certaines scènes très marrantes, comme les cris de Chabat, ou son entretien avec le producteur, finissent malheureusement par devenir lourdes à force de pousser jusqu’au bout les situations, mais de façon générale, j’ai ri de bon cœur, comme par exemple lors de la scène de remise du prix de l’Oscar du meilleur cri de l’histoire du cinéma
Le montage de plusieurs histoires qui s’intègrent peu à peu entre elles et qui jouent sur plusieurs niveaux de réalités, de rêves dans le rêve, de film dans le film, jusqu’à la scène finale de la cassette vidéo est une réussite ingénieuse.
Dupieux se permet aussi de se moquer gentiment des films d’épouvantes de série Z, des producteurs déjantés de Hollywood, des réalisateurs qui n’ont pas les mêmes méthodes que Kubrick, ou ceux qui se prennent pour des génies en filmant une petite fille qui dort, des émissions de télé où on demande à quelqu’un qui présente une recette de cuisine s’il croit en Dieu, des adultes qui parlent de manière condescendante à une petite fille, parce qu’elle leur dit une réalité inconcevable.
Bref, c’est bien barré et étrangement drôle.