Pour les inconditionnels de Rio 2016, il reste les Jeux paralympiques. Mais le Brésil ne se limite pas à Rio de Janeiro. Ce film est là pour nous le rappeler, avec quelques tranches de vies dans des régions de plaine (du Nord) où les conditions d’existence des personnages rappellent celles des cowboys du grand ouest américain. Boi neon, le titre original est le nom d’un taureau. Le rodéo du titre français est une traduction approximative du terme vaquejada utilisé dans la région, pour des pratiques particulières que le film montre sous plusieurs angles. Les personnages du film y participent d’une manière ou d’une autre.


La jeune Cacà (Alyne Santana) vit avec Galega (Maeve Jinkings), sa mère, en dormant dans un camion, suivant une organisation allant de ville en ville. Des vaquejadas, le film montre quelques instantanés, en particulier la façon dont deux cavaliers font en sorte de faire tomber un taureau. Ils doivent y parvenir avant une ligne marquée à la chaux sur le sol. Pour assurer leur seule prise, la queue du taureau est imprégnée de sable juste avant qu’on lâche la bête.


La virilité du spectacle est soulignée à l’écran par le travail de ceux qui sont en coulisse à faire avancer les taureaux et les préparer dans une sorte de couloir cloisonné tout en bois, qui permet de faire pénétrer chacun à son tour dans l’arène.


Une des scènes les plus marquantes du film se situe dans cet environnement quand une jeune femme vient proposer des parfums à ces cowboys tout imprégnés de sueur et qui ne roulent pas sur l'or. Ils savent bien qu’ils ne sentent pas la rose et que cette situation n’est pas prêt de changer. Ce qui ne les empêche pas de s’intéresser à ce que la femme leur propose. Voilà Iremar (Juliano Cazarré) à respirer un échantillon sur son poignet. On réalise alors que la jeune femme est enceinte de plusieurs mois. Elle assure qu’elle peut aller jusqu’à livrer une commande et elle explique qu’elle travaille également comme veilleur (veilleuse ?) de nuit dans une usine du coin.


Iremar ne partage pas la vie de Galega. Mais les conditions d’existence les mettent en contact relativement étroit. On le constate alors qu’il prend les mesures de la jeune femme : tour de hanches, de tête, etc. Probablement pour s’occuper de son costume de scène, car la jeune femme déguisée en cheval participe à un spectacle coloré, la nuit, après le rodéo proprement dit. Iremar prépare également quelque chose à l’aide d’un mannequin de récupération, car son ambition plus vraiment secrète serait de devenir styliste (dans ce milieu machiste du rodéo, strass et paillettes trouvent ici leur place). Cacà le regarde travailler et le considère quasiment comme son père qu’elle ne connait pas. Iremar lui suggère bien de le chercher, peine perdue au vu de l’âge de Cacà. Si on ne saura jamais exactement pourquoi le père de Cacà est parti, on imagine des raisons liées à l’argent, car tout ce petit monde vit en dehors de tout luxe. C’est probablement pourquoi certains imaginent des petites combines pour gagner des extras. Encore faudrait-il être suffisamment adroit pour aller au bout d’un plan avec la discrétion nécessaire.


Gabriel Mascaro, signe ici son second long-métrage après Ventos de Agosto et il démontre un savoir-faire certain. Rodéo serait un documentaire, on serait tenté de dire que le réalisateur parvient à se faire oublier derrière sa caméra. Mais c’est une fiction et le spectateur peut en ressortir avec une certaine déception car, si le film permet une belle immersion dans le milieu des vaquejadas, il manque d’enjeux bien définis pour imprégner la mémoire du spectateur sur le long terme. Les personnages sont criants de vérité, les situations permettent de les sentir vivre au jour le jour. La caméra s’attarde suffisamment longtemps pour donner de la consistance à ce qu’il montre. La virilité et la sensualité, le désir sont des composantes essentielles de ce film qui prend le temps de détailler certaines situations, quitte à couper net pour enchainer sur autre chose. Restent donc des impressions de sueur, de souffrance, de corps à corps, de connivence et d’intimité.


Le personnage le plus marquant est à mon avis Cacà, gamine de tempérament. En manque de père, elle réclame auprès de sa mère mais également auprès d’Iremar. A l’occasion elle s’oppose à la première et demande un câlin au second. Finalement, Cacà supporte les conditions d’existence dans ce milieu particulier et elle ne dédaigne pas les occasions de se rendre utile. Son intérêt va vers les chevaux plutôt que vers les taureaux, ce qui n’est pas dans leurs moyens dit sa mère quand elle l’apprend.

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le 6 sept. 2016

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