L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes propriétaires. On voit ainsi un œuf et deux oisillons atterrir au sol, au grand dam de Tom (Jesse Eisenberg) bientôt rejoint par Gemma (Imogen Poots), charmante institutrice.


A la recherche d’un logement (pour y faire leur nid), Gemma et Tom entrent dans une agence immobilière à l’inspiration. Un peu bizarre, l’agent immobilier qui les reçoit : Martin (Jonathan Aris), d’après son badge. Celui-ci les convainc néanmoins de le suivre pour une visite qui ne les engage à rien. Gemma et Tom arrivent ainsi dans une banlieue qui prête à sourire (un peu à l’image de la figurine montée sur ressort sur la plage avant de leur voiture). On en sourit parce que Lorcan Finnegan (coscénariste avec Garret Shanley) pousse jusqu’à l’exagération une tendance qu’on aimerait tout simplement ignorer. Encore faudrait-il avoir les moyens de viser mieux. Il s’agit d’un immense lotissement tout neuf, aux villas toutes rigoureusement identiques, murs peints en vert (la couleur de l’espoir), avec chacune son jardinet, son garage et sa palissade la séparant de sa voisine. Pour donner une idée, disons que ces villas rappellent vaguement L’Empire des lumières de Magritte, soit une maison propre et soignée où on trouve de l’espace, mais qui procure immédiatement une sensation de malaise indéfinissable. Chez Magritte, le jour et la nuit se côtoient pour donner cette sensation. Ici, le vert (comme tout le reste) est trop calculé et les maisons identiques s’alignent en rues et allées à perte de vue. Le malaise, c’est cette uniformité à l’infini où l’individu se perd. Le réalisateur pousse le raisonnement jusqu’à l’absurde : puisque ces banlieues et leur l’anonymat poussent leurs habitants vers la solitude, montrons-les sans voisins et dans l’impossibilité de sortir de cette banlieue. Voilà où mène l’obsession de la recherche du confort (et de son symbole qu’est la propreté) !


Gemma est jeune, mignonne, enthousiaste et adore les enfants qui le lui rendent bien. Tom est un peu bourru (Jesse Eisenberg correspond parfaitement), avec un cœur d’artichaut et il ne sait rien refuser à Gemma qu’il aime tendrement. Ils constituent le modèle du couple prêt à se fondre dans l’anonymat pour profiter des joies du confort moderne.


Le réalisateur (Lorcan Finnegan) s’amuse intelligemment à détourner insidieusement le bel ordonnancement de cet univers des banlieues anonymes. Puisqu’on peut s’y perdre, Gemma et Tom vont même s’y retrouver piégés. Martin leur a fait visiter le numéro 9 (réminiscence d’une chanson des Beatles où l’expression « Number nine » vire à l’obsession). Ainsi, Gemma et Tom, en dépit de leurs efforts (pourtant astucieux), reviendront toujours à cet endroit.


Martin paraît bizarre ? Il disparaît sans laisser de trace. Gemma et Tom ne trouvent pas mieux que de s’installer au Numéro 9 (observation : choisit-on vraiment l’endroit où on s’installe pour vivre ?) Leur solitude dans le quartier pourrait virer au bienfait (rappel « L’Enfer, c’est les autres » disait Sartre), Gemma et Tom pouvant vivre leur amour tranquillement. En effet, dans la plus grande discrétion, ils sont approvisionnés en nourriture. Malheureusement, comme disait Pascal «Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » Que ce soit une maison ou un quartier vide n’y change rien. Que faire de ces journées où rien ne passe, même pas un avion dans ce ciel bleu juste parsemé d’inoffensifs nuages cotonneux (rappel de toiles de Magritte) ?


Pourtant, une surprise apparaît avec un carton, sorte de cadeau mystérieux contenant… un bébé ! Dans le carton, un message « Elevez ce bébé et vous retrouverez votre liberté. » Là encore, l’analogie avec la réalité est simple : les enfants constituent une sorte d’esclavage (consenti) dont on ne se libère que le jour où ils commencent à voler de leurs propres ailes. Mais, si Tom n’en veut pas de ce bébé qui n’est pas le sien, l’instinct maternel de Gemma est trop fort. Et… Tom devra bien faire contre mauvaise fortune bon cœur. Voilà l’activité de Gemma toute trouvée. Quant à Tom, il va se décider à creuser, quitte à se tuer à la tâche.


Le scénario ne se contente pas de cette situation basique. Il explore ensuite la relation qui se noue entre l’enfant (jamais désigné par un prénom) qui n’est pas le leur et ce couple qui l’élève. L’enfant ne comprend pas, quand Gemma et Tom lui disent que non, ils ne sont pas ses parents. De plus, il ne connaît rien du monde auquel Gemma et Tom appartiennent encore (belle scène de danse, lorsqu’ils découvrent une cassette encore utilisable dans l’autoradio). En effet, il ne peut pas sortir du quartier et la TV ne diffuse que des programmes dont Gemma et Tom ne voient pas l’intérêt : une animation à base de formes plus ou moins géométriques qui évoluent à l’infini. Gemma et Tom discutent avec l’enfant (leur seul interlocuteur) qui recherche maladroitement de la tendresse et de la complicité. Joueur, il a appris à faire le chien (woof woof woof) grâce à Gemma. Il le fait tellement bien qu’on voit que c’est l’imitation d’une imitation (évidemment, il ne sait pas ce qu’est un chien). Le réalisateur glisse donc de nombreuses occasions pour sourire, en créant une réelle complicité avec les spectateurs qui eux connaissent le monde réel.


Un film très travaillé questions décors : à dessein ils sonnent faux (le ciel et les nuages), faisant implicitement référence à The Truman show (Peter Weir – 1998), parmi celles qui viennent à l’esprit. Beau travail également sur les couleurs. La mise en scène joue sur quelques ruptures (plans coupés nets), assumant bravement quelques incongruités de scénario. Nous sommes dans un univers fantastique qui ne nécessite pas de justification pour chaque détail (heureusement).


Au début, quelques plans en plongée donnent le ton quant à la description de cette banlieue. Très réussie, l’affiche en donne un excellent aperçu. Sur un petit format, on imagine un circuit imprimé. En réalité, les maisons toutes identiques vues de haut donnent cet aspect. Le message que constitue le titre (très bien vu également et compréhensible à l’international), ne sera destiné qu’aux spectateurs. Cette banlieue, on l’imagine aux États-Unis (cf la réalité), mais la conduite à gauche rappelle que le réalisateur est irlandais. Avec Vivarium, il donne un intéressant aperçu de sa capacité à proposer un cinéma original.


Film vu le 5 septembre 2019 à l’Étrange Festival (Paris : Forum des Images).

Electron
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le 6 nov. 2019

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