Il y a des films qui résistent étrangement à l’appréciation. Des films que l’on pourrait aimer, qui semblent relever d’intéressantes réflexions, de pertinentes questions… On pourrait les apprécier donc, si l’on s’y décide, et il m’est actuellement difficile d’affirmer si ce que j’ai vu est intelligent ou simpliste. Si j'ai apprécié ou non. J’ai l’impression que je pourrais totalement choisir l’un ou l’autre et en faire une analyse, dans un sens ou dans l’autre. C’est perturbant. Et d'une certaine manière, décevant.



Et, je spoile.



Et, ce n’est pas vraiment une critique. 




Un jeune couple cherche à acheter une maison, elle est institutrice, il est jardinier (?). On observe déjà là une certaine mise en avant de clichés. C’est important (tout comme la scène des oiseaux, évidemment), mais j’y reviendrai. Tombant plus ou moins par hasard dans une agence proposant des demeures « parfaites » dans un lotissement tout aussi « bien rangé », nos jeunes gens visitent l’endroit… et s’y retrouvent coincés. Tentant de s’échapper, ils retomberont inexorablement sur cette même porte, le numéro 9, celui qui leur a été attribué, visiblement. Des cartons de ravitaillement arrivent.


Aussi silencieux, insipide qu’étrange, tout semble irréel, comme une vie récrée, mais prise au piège, en observation. Un Vivarium, donc.


À ce niveau, l’ambiance, pourvue d’une forte inspiration surréaliste, est indéniablement réussie. Je pense n’avoir jamais vu un film aussi anxiogène, où le mal-être et l’impossibilité de bouger (littéralement) se ressentent autant. Cela se note dans la manière dont les infinies rues sont filmées, mais aussi grâce aux acteurs, dont on partage facilement les craintes, les doutes et la douleur. Il n’y a pourtant pas vraiment de scènes « choquantes » par elles-mêmes (à l’exception sans doute de celle de jeu de mime), tout étant au contraire particulièrement froid… et ça fonctionne excellemment (alors que, par exemple, Mise à mort du cerf sacré, tout aussi froid et clinique fut-il m’avait laissée de marbre).


Là où tout fonctionne moins, pour moi, c’est réellement dans ce que le film veut nous faire comprendre, dans les messages qu’il tient à faire passer. D’une part, car lorsque l’on perçoit « le truc », tout semble plutôt grossier et facile à anticiper, et d’autre part car… il n’apporte en réalité par de réflexion neuve.


Premièrement, l’on comprend que le doigt se pointe sur la volonté de "tous" d’être propriétaires et d’entamer une vie de famille, tous similaires dans des maisons bien rangées sans distinction aucune (littéralement). Alors. Vers qui se dirige cette critique ? Et, est-ce réellement un mal ? Que la vie réserve davantage de possibilités est une évidence, mais… qu’apporte cette réflexion très exactement ?
Je parlais des « clichés » des métiers ; Vivarium nous montrera aussi comment les hommes peuvent fuir leurs responsabilités et notamment l’éducation des enfants, Tom préférant se jeter corps et âme dans une entreprise aussi futile qu’épuisante… jusqu’à en mourir et à créer sa propre tombe (littéralement, une fois encore). Qu’est-ce que cela nous apprend que l’on ne savait déjà, honnêtement ?


De là vient facilement l’aliénation à une société qui tient à (nous) créer une vie tout aussi bien rangée, parfaitement aménagée, et de laquelle il est difficile de s’extirper. Nos vies seraient en fait facilement interchangeables avec celles de nos voisins, ou des habitants qui nous ont précédés (coucou les coucous du début), poursuivant ainsi une forme d’inévitable reproduction sociale, plus ou moins imposée, etc. etc. Toujours pas très novateur pour quelqu’un qui vit à notre époque. Ce n’est pas inintéressant pour autant… mais c’est … plat ? Et une fois encore, à quel point est-ce mal ? (sauf d’élever un gosse mutant totalement flippant, certes.)


Par ailleurs, et cela doit se ressentir à la lecture, le film est bien trop littéral, aussi métaphorique soit-il. Et excessif. Que cherche-t-il à démontrer au sujet de l’éducation avec cet « enfant » ?
De fait, une métaphore devrait fonctionner seule, pas uniquement en « deuxième lecture ». Et, si l’on prend le film « seul », il n’a pas de sens, car pas de fin ou d’explication ; quelles sont ces créatures, ces mutants et quel est leur but ? « Remplacer » les humains ? Pourquoi ? Comment ? Le garçon « remplace » l’agent immobilier, ils ne sont donc pas plus nombreux. En termes de remplacement alien, on a vu plus efficace. On obtient une légère piste, sans doute, avec le livre, mais globalement, ces "monstres" ne servent en fait qu’à créer le propos du réalisateur autour de cette (non-)vie de famille, absolument (pas) parfaite.


Des films « étranges et déroutants » devant lesquels le malaise ne fait que grandir, on a pu en voir quelques-uns dernièrement, je pense à Midsommar ou à Annihilation que j’ai beaucoup appréciés. Ceux-ci aussi sont passionnants à analyser, tant ils recèlent de thèmes divers, et actuels, et amènent à de plus grandes réflexions, au détour d’une parole, d’un regard ou d’un plan (ils détiennent sans doute plus de points communs entre eux que Vivarium, je l’admets bien volontiers). Mais, ils fonctionnent également par eux-mêmes ; comme l’histoire d’une scientifique devant faire face à des extra-terrestres pour l'une, ou comme l’histoire d’un endoctrinement sectaire. C’est probablement réducteur et superficiel, mais « ça marche ». Vivarium ne fonctionne pas. Et il devient de ce fait « trop facile ».


Je le dis et je le répète pour terminer, au niveau de l’ambiance oppressante créée et des acteurs (mention spéciale pour le jeune garçon), Vivarium est des meilleurs films « du genre » qu’il m’ait été donné de voir et je n’ai nul doute que le réalisateur est amené à de plus grandes choses. Mais, voilà, je n’aime pas vraiment ce que le film raconte et je le trouve trop direct, tout en oubliant une partie de son histoire. Reposant essentiellement sur un concept, trop réaliste tout en étant trop métaphorique, il se perd. Dommage. 



Anyore
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le 16 avr. 2020

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