Je spoile énormément, et je ne mets pas de balises pour ne perturber ni la lecture ni la structure. Vous voilà prévenus. Je préviens également qu'il ne s'agit pas véritablement d'une critique, mais plutôt d'une tentative de poser quelques mots sur mon ressenti et mes interprétations.



« It was like a dream »



Annihilation se nourrit de nombreuses références, on pense entre autres à Stalker qui partage le même élément déclencheur, ou à Alien, pour les environnements inconnus à explorer qu'il donne à voir.
Plus étonnamment, j’ai pensé à Pique-nique à Hanging Rock, qui, bien qu’éloigné à de nombreux égards, partage une même atmosphère mystérieuse. On y retrouve en effet cette même idée de nature inconnue, tout aussi belle qu’effrayante et potentiellement dangereuse, de l’inconnu attirant mais repoussant, des mystères non résolus, de rêve réel mais très étrange, d’inquiétante beauté.
A ce sujet, je me dois de saluer la maîtrise dans le rendu aussi beau qu'effrayant de ces environnements et de ces espèces étonnantes. La fascination et la curiosité naissent de la peur mêlée de joliesse. Chaque détail de ces lieux devient plaisant à observer et à analyser tout en produisant un sentiment proche du malaise. Mêlant onirisme, poésie et véritable horreur, l’ambiance du film ressemble ainsi à celle d’un rêve cauchemardesque où tout peut, à tout moment, basculer sans que l’on ne sache ni comment, ni pourquoi.



« One by one, all gone, except you »



Les thématiques de la dépression et de l’autodestruction parcourent le film, elles sont concrétisées par les vécus réels des personnages (maladies, suicide, alcoolisme…) mais sont aussi présentes de manière plus métaphorique dans « la Zone » où apparaissent de nouvelles créatures nées de la « destruction » d’autres.

Au-delà de ces deux thèmes majeurs sur lesquels beaucoup sont déjà revenus, j’y ai également perçu celui du deuil, perceptible lui aussi par les différentes membres de l’expédition.
Ainsi, chacune d’entre elles peut être vue comme une manière de réagir, une étape face à un évènement traumatisant, qui change en profondeur, qui force à faire le deuil de quelque chose ou de quelqu’un.



  • L’une, semble réagir de manière très sereine en acceptant, mais camoufle ce qu’elle éprouve véritablement : « Je suis aussi effrayée que Josie, mais je le dissimule juste mieux ». Elle sera la première à disparaître. Elle était la plus optimiste, ou sans doute celle qui se voilait le plus la face.


  • 
L’une se réfugie dans la colère, refusant d’écouter les autres, les accusant de mentir et allant jusqu’à les bâillonner, littéralement. Incapable de se remettre de la disparation de la première, qui vraisemblablement lui apportait une sorte d’équilibre.


  • L’une finit par refuser d’avancer et préfère abandonner, disparaître en quelque sorte.



  • La dernière enfin, semble vouloir aller de l’avant, coûte que coûte, sans se préoccuper du reste, sans réfléchir.



(Peut-être peut-on voir ici des parallèles (ou plutôt, des oppositions) entre leur métier et leurs réactions ; celle qui étudie les phénomènes qui façonnent les planètes étant celle qui semble le moins affectée par ce qui lui est arrivé, la secouriste étant celle qui parvient le moins à garder son calme…)


Autant de réactions, et autant de choix auxquels Lena doit faire face pour trouver sa propre voie, pour sortir de ce lieu hostile, pour reconstruire sa vie après ses « erreurs » passées et la perte de son mari (notez ici que le fait qu’il s’agisse du vrai ou pas importe peu. Le fait est qu’il a disparu et que, lorsqu’il réapparaît, il n’est plus la même personne).




C’est sans doute le moment adéquat pour saluer les performances des actrices, Natalie Portman en tête, qui est parvenue à me faire oublier qu’elle était Natalie Portman, chose toujours compliquée lorsque je regarde un film dans lequel jouent des actrices ou acteurs particulièrement connus.




« Who are you ? »




La thématique du reflet, et donc du double, est par ailleurs très présente. Dans la zone évidemment, quelles que soient les espèces, toutes subissent des mutations allant parfois jusqu’à la duplication. Mais, en dehors également, on retrouve ce même procédé : les personnages sont souvent vus à travers des vitres, des verres ou des rideaux transparents (dans les hôpitaux) donnant l’impression que leurs corps ont une consistance étrange, comme celle d’un reflet sur l’eau, présent sans être véritablement entier, impalpable. 



Au fur et à mesure, chaque personnage perd peu à peu de sa « substance », son ADN premier se retrouve altéré, tout comme son esprit. Toutefois, aucune n’est véritablement « annihilée », toutes conservent une présence, une existence. Elles se modifient, mais ne disparaissent pas.



« Ça ne détruit pas, ça crée quelque chose de nouveau ».



On pourrait donc penser que plus qu’une Annihilation, elles subissent une sorte d'aliénation, c’est-à-dire la perte progressive de ce qu’elles sont, au profit d’autre chose, d’une autre entité. 



Comment dès lors, distinguer qui est qui et que reste-t-il de qui ?


Je l’ai vu, et revu une deuxième fois, et des questions demeurent.

J’étais, au bout du premier visionnage, persuadée que Lena s’en sortait et tuait « l’Alien », l’étrange phénomène visible dans ses yeux n’étant que la conséquence des modifications subies par son ADN.
Or, comment en acquérir la certitude ? 
Des éléments poussent à penser le contraire : tout au long de son expédition dans la Zone, elle ne possède pas de tatouage (un serpent qui se mord la queue en 8, symbole de l’infini), lorsqu’elle est interrogée elle en possède bien un et « l’Alien » dans le phare également. Je me disais que sa blessure au poignet avait pu se « transformer », mais jamais elle n’est montrée avec ce tatouage avant l’interrogatoire. Les passages en gros plan (ou presque) sur son bras (la blessure, l’analyse de son propre sang) pourraient aussi bien être présents dans le but de faire comprendre au spectateur qu’il ne s’agit pas de la même personne.
 Paraît-il que ce symbole revient plusieurs fois en tatouage sur d’autres personnages, il faudrait que je le revoie une troisième fois, je présume. (Notez cependant que si vous dites plusieurs fois « Lena », ça fait un peu « Alien ». Haha).
De plus, le seul récit que l’on a est celui de l’individu « qui prétend être » Lena. Si l’on se fie à son récit, le doute ne semble pas permis, mais pourquoi s’y fier ? Comment être totalement sûre, dans le même ordre d'idées, que son mari est bien un autre ?


On pourrait reprocher à Annihilation les questions qu’il laisse sans réponses, son absence d’interprétation univoque, les portes qu’il ouvre sans les fermer, celles qu’il entrouvre sans sembler se décider. On pourrait le trouver trop obscur, on pourrait penser qu’Alex Garland n’a voulu faire qu’un film compliqué en l’étouffant de métaphores, et que, par conséquent, la multitude de théories qui voient le jour ne sont en fait que le reflet de la vacuité du film…
Personnellement, je trouve au contraire que le fait de parvenir à créer autant d’analyses différentes, mais cohérentes, avec un seul et même objet prouve sa qualité. Je ne pense pas qu’une interprétation soit meilleure qu’une autre, chacune fait écho au ressenti, voire au vécu, de chaque individu. Et, c’est en ce sens qu’il me semble brillant ; il parvient à être personnel tout en ayant une portée universelle. Je crois sincèrement que l’on en parlera encore longtemps.




La question principale reste toutefois : quelles sont donc ces batteries de caméra qui ont une autonomie de plus d’un an ?



Pour une plus longue analyse (non critique), vous pouvez lire ce que j'ai écrit sur mon blog

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le 14 mars 2018

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Anyore

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