Roma
7.1
Roma

Film de Alfonso Cuarón (2018)

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Maintenant qu’il est devenu une sorte de super-auteur religieusement vénéré (Le prisonnier d’Azkaban, Les fils de l’homme et Gravity sont passés par là), Alfonso Cuarón s’est dit qu’il pouvait se permettre à peu près tout ce qui lui passait par la tête. Par exemple un film en noir et blanc de presque deux heures et demi sur l’histoire d’une employée de maison chez une famille de bourgeois dans le Mexique des années 70. Forcément ça en impose, ça fait atypique, ça va surprendre tout le monde. Tu parles, même Iñárritu n’a pas osé un truc pareil, préférant aller filmer DiCaprio charcuté par une ourse un poil susceptible. Plus vendeur.


Inspiré par les souvenirs d’enfance du réalisateur, Roma, du nom de ce quartier de Mexico où il grandit, revient à la chronique intimiste (et mexicaine) déjà à l’œuvre dans Y tu mamá también. Cuarón suit en parallèle le destin de deux femmes différentes sur le plan social, mais égales face à la lâcheté des hommes (l’une est délaissée par son prétendant quand elle lui annonce qu’elle est enceinte, l’autre par son mari qui abandonne sa famille pour retrouver un semblant de "liberté"). Et, à travers elles, évoque les parfums et les joies de l’enfance, l’abandon d’un père, les mutations d’un pays, la force de l’amour, le courage d’avancer et les racines qui sont les nôtres.


A priori tout ça donnait envie, furieusement envie même. Sauf que le film, en à peine vingt minutes, arbore tous les motifs de la déception et de son propre échec. À commencer par une réalisation limitée à un enchaînement de panoramiques et de travellings latéraux, comme si celle-ci avait été confiée à un programme informatique qui se serait détraqué en répétant à l’infini les mêmes mouvements. Et puis aucune émotion ne se dégage de ce qui ressemble davantage à un exercice de style sentencieux camouflé en un drame existentiel, même lors des scènes censées nous bouleverser ou nous impressionner (l’émeute, l’accouchement, la "noyade" dans les vagues…), tant les effets de mise en scène vous sautent à la figure (c’est notamment le cas lors de l’incendie de forêt avec ce personnage venant soudain chanter face caméra) et ruinent la moindre chance d’empathie.


Pourquoi cela fonctionnait-il dans Les fils de l’homme (avec ces plans-séquences incroyables, pourtant plus élaborés qu’ici), mais ne suscite dans Roma qu’agacements et indifférence ? Sans doute parce que le mince fil narratif du film et le jeu inexpressif de Yalitza Aparicio laissent totalement de marbre et ne font pas le poids devant l’ampleur opératique de la chose (cadrage millimétré, noir et blanc sublimé, énorme travail sur le son, scènes comme des tableaux vivants…), et perdus comme les personnages dans la lourdeur de l’ensemble. Le film tient constamment à distance de ce qu’il observe et cherche à éveiller en nous, figé dans son côté désincarné, chic et glacé.


Et pour donner de quoi à manger aux critiques en sus d’un emballage emballant, Cuarón y ajoute une bonne couche de symbolisme pas vraiment subtil, par exemple des animaux partout (surtout des chiens), ces avions dans le ciel ou ces évènements "prophétiques" (tasse qui se brise, tremblement de terre, verre renversé…) survenant à chaque étape de la grossesse de Cleo. Et tout ça pour quoi, pour dire quoi, pour montrer quoi ? Que genre les hommes sont des salauds, genre bonniche tu es, bonniche tu resteras malgré toute la tendresse que te porteront les enfants de tes employés et de madame, genre l’amour c’est beau quand même, mais genre chacun à sa place ? Top génial, Alfonso, super bien vu, mais presque deux heures et demi pour balancer des truismes aussi éculés en se la jouant artiste accompli et maniériste, c’est non.


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mymp
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le 5 déc. 2018

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