Le cinéma indien - Sioux, Apaches ? Non ! Bollywood ! - reste injustement méconnu, vu le nombre de films produits, de salles, de comédiens... Et c'est d'autant plus injuste quand il s'agit d'une oeuvre aussi belle et poignante que "Salaam Bombay". Avec un talent évident et une sensibilité toute féminine, Mira Nair offre près de 2 h d'émotion sur le thème - périlleux - de l'enfance malheureuse.
Le jeune héros n'a que 10 ans. En rupture de famille tant qu'il n'aura pas gagné 500 roupies, il est lâchement abandonné par une troupe de cirque dès la 1re séquence. Dès la 2e, il se retrouve désemparé à Bombay. L'humour tragique colore alors le titre. Son "bonjour Bombay !" à la ville ne l'empêche pas d'y vivre aussitôt de cruelles journées. Il perd même son dernier "bien" : son prénom ! Fini Krishna, il est Chaipau (vendeur de thé). Un des gosses en deshérence dans ce quart-monde qui est la honte du reste !
On le voit épuiser sa vitalité de pré-ado à survivre dans "la rue barbare", où dangers et marginalité se conjuguent au quotidien. Prostitution et trafic de drogues sont les activités moteur de son quartier où il dort le plus souvent sur le trottoir ! Sa poignante odyssée va lui faire perdre son innocence aux yeux de la Loi, pas aux nôtres ! L'impact émotionnel réside dans ce subtil décalage savamment entretenu par la réalisatrice. On devine sa patience, sa force de persuasion pendant le tournage en découvrant sur l'écran l'inoubliable présence de Krishna et de son jeune interprète.
Très bien photographié, le film multiplie des tranches de vie inhumaines sans sombrer dans le mélo grâce à son style documentaire qui rappelle les grands classiques du Néo-réalisme italien. "Salaam Bombay" a donc tout pour faire atteindre, aux fans de cinéma d'auteur, un aperçu du Nirvâna !