Film majeur, qui s’inscrit dans la lignée des grands polars sur les petites gens. Dans une banlieue déserte et crasse, où seule la radio, omniprésente, semble tenir compagnie aux gens, le fait divers semble être la seule distraction envisageable. Sordide, déconcertant, d’une noirceur sans échappatoire, si ce n’est le panache du personnage principal, héros romanesque sans lecteur, qui se regarde avancer dans une machination dont il n’est plus vraiment l’auteur à mesure qu’elle se met en branle. On mentionnera Perec à l’adaptation et aux dialogues, un véritable régal, notamment par les perles glissées dans les éléments de langage du camelot (« directement importé d’Autriche, en laine des Pyrénées », du « Calva d’Ecosse »…)
Ce film est celui de Dewaere. Géant, prenant toute la place, irritant de génie, on a rarement vu aussi parfaitement joués le mensonge, la mauvaise comédie. Son personnage passe son temps à se donner une contenance, à cabotiner pour masquer le grand vide qui l’entoure, à l’image du mutisme de Mona, être inaccessible et énigmatique. Pathétique, explosif, en roue libre, Dewaere crève l’écran et nous plonge dans une semi réalité où tout s’acharne à le faire descendre plus bas, occasionnant une envolée lyrique et nerveuse encore accrue.
Jusqu’à l’absurde, les événements s’enchainent, déclenchant un rire étrange, notamment dans l’échange final avec Blier, et une conclusion qui ne pouvait proposer de dénouement, tant Poupart est incapable de s’arrêter, suspendu dans une valse mythomane bouleversante.