Markos, un chef oustachi est logé par le gouvernement hongrois à la frontière avec la Croatie. Il ne cesse de se demander si on ne cherche pas à l'assassiner : Alexandre II, roi de Yougoslavie, ou le gouvernement hongrois, ou Dieu sait quelle association secrète encore. Il tue (ou croit tuer) un certain nombre de collaborateurs qui, il faut bien le dire, ont l'air suspect. Noue une romance avec la fille brune qu'on faisait chanter pour qu'elle couche avec lui, et avec la femme (ou pas ?) d'un de ses collaborateurs/geôliers, une blonde d'âge mûr. Elles ont d'ailleurs des rapports lesbiens. Ils recueillent des enfants, dont on ne sait rien, mais dont Markos fait de bons petits terroristes anar. Un temps, ils semblent mener une vie sans contrainte, à la Thoreau.


Mais Markos finit par se faire piéger et tuer par sa propre société secrète d'origine, avec la complicité de la femme blonde. Il devient un martyr oustachi, qui va servir à galvaniser les troupes qui accompliront le double attentat contre Barthou et Alexandre II de Yougoslavie.


Un film qui était présenté à la Cinémathèque sur une copie en mauvais état, aux couleurs passées par un filtre lie-de-vin et en version française. Le film se déroule pour une grande part dans une vaste maison au milieu de la forêt, dans un paysage hivernal. La réalisation passe à nouveau par de beaux plans-séquences aux mouvements de caméra virtuose, et certaines saynettes qui s'enchaînent dans le même plan-séquence, créent en réalité une ellipse temporelle - un peu comme dans Le coeur du tyran. L'intrigue est fort complexe et défie le résumé, tant elle repose sur des jeux de pouvoir autour du héros principal, des faux semblants, des tentatives de manipulation qui cachent d'autres tentatives de manipulation. La romance est réduite au minimum, tant le personnage principal, sous son aspect de jeune premier, est une brute habitée par une violence sèche et un fort instinct de survie et d'indépendance. En revanche le lesbianisme est un motif récurrent, et cette ambiance de retraite oisive dans les bois mâtinée d'anarchisme évoque l'atmosphère libertaire de la fin des années 1960. Les longs et amples manteaux en peau de mouton aussi.


J'ai apprécié qu'il y ait un carton explicatif en français au début, sinon je n'aurais sans doute rien entravé au contexte politique.


Les plans sont beaux, mais aucun ne m'a marqué durablement : c'est peut-être dû à ce problème de conservation des couleurs sur la copie présentée. Le film a très peu de musique, et la bande-son est beaucoup marquée par le martèlement des bottes sur le sol de la maison, par les bruits ambients, sans doute pour coller à l'atmosphère hivernale. A noter que les chevaux sont un peu une image de ces révolutionnaires enfourchés par des puissances politiques qui les mènent à la cravache.


De quoi parle ce film, au fond ? de la tentation d'un anarchisme autarcique, je crois, et de l'impossibilité d'échapper aux jeux de pouvoir.


Vu en salle Georges Franju.

zardoz6704
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le 21 nov. 2015

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