Une Ode à la vie

Ta vie est sur le point de commencer.

Joe Gardner est un professeur de musique qui voue une passion au jazz et rêve depuis longtemps de jouer sur scène. Alors qu'il a enfin l'occasion de concrétiser son souhait, Joe va avoir un accident qui l'emmènera dans le monde des âmes.
En cherchant à regagner son corps, il va se voir assigné une jeune âme appelée 22 à laquelle il va devoir enseigner des passions afin de lui donner envie d'aller sur Terre, mais il est confronté à un problème de taille : celle-ci déteste la vie.

Un film à concept

Après Vice-Versa qui oscillait entre le film pour enfants et adultes, Pete DOCTER nous présente son nouveau film à concept : Soul (L’Âme), qui, devant sortir au cinéma durant l'été 2020, se verra finalement reporté avant de finalement débarquer sur la plateforme de streaming de l'entreprise aux grandes oreilles, Disney +.

Avant toute chose, notons que le film est d'une manière générale beaucoup plus adressé aux adultes qu'aux enfants. Car oui, en dehors de quelques séquences dans le monde des âmes, celui-ci ne comportera que très peu d'humour et de situations "enfantines".

En effet, si l'histoire est assez simple, elle demeure aussi très abstraite. On y suit Joe qui voyagera entre le monde des âmes et la Terre pour regagner son propre corps, tout en cherchant à transmettre à 22 les valeurs de la vie.

Et en ça le film demeure très bon ! Loin du pessimisme ambiant, Soul est une ode à la vie avec un Joe Gardner qui voit en sa passion pour le jazz son unique façon de vivre tandis que 22 découvrira d'autres choses qui, bien qu'elles peuvent sembler superflues ou dérisoires à nos yeux, sont en réalité des petits moments de bonheur quotidien qui peuvent nous faire savourer le fait d'être en vie.

On appréciera les multiples idées pour illustrer le monde des jeunes âmes appelé Le Grand Avant (qui n'est pas sans rappeler le concept de Vice Versa avec son monde mental) où chaque âme doit se trouver plusieurs passions avant de pouvoir aller vivre sa vie. Même si le récit sera alourdi par quelques longueurs qui néanmoins serviront la narration, l'ensemble se tient, bien que plusieurs idées ou pistes narratives n'aboutiront pas, on le voit notamment avec la conclusion du film qui laissera de nombreuses interrogations en suspend quant au devenir des personnages.

De ce fait, ce long métrage pourra rebuter ceux qui cherchent une histoire simple et pas prise de tête. Le film bien qu'étant léger se voit très abouti dans ses concepts qui mettront en avant l'introspection des personnages tout en se contentant de messages abstraits, ne cherchant pas à se formaliser sur le monde spirituel au contraire par exemple de Vice Versa qui présentait en détail le monde mental de Riley et son fonctionnement.

Des personnages plus qu'ordinaires

Toutefois, malgré quelques touches d'humour allègrement réparties (avec les Mentors qui s'appellent tous Michel et qui ne sont pas sans rappeler les Shadoks avec leur design abstrait par exemple), le film dans son ensemble reste plutôt sérieux.

De plus, le titre repose toute sa base sur le duo Joe et 22 qui n'est pas sans rappeler Marin et Dory du film Le Monde de Nemo. Là où Dory était insouciante et Marin beaucoup trop sérieux et protecteur envers son fils, ici on a Joe qui désire communiquer sa joie de vivre via la passion du jazz et 22 qui est une jeune âme refusant de vivre une vie humaine.

Joe est donc un personnage très ordinaire qui désire juste retourner dans son corps afin de pouvoir exaucer son rêve de jouer du jazz sur scène au moins une fois. Il cherchera donc à transmettre sa passion du jazz et il faut le dire, dans l'ensemble ce personnage est réussi tant il est communicatif ! Même si l'on pourra le trouver un tantinet égoïste dans sa manière de faire, Joe est juste un homme qui cherche à exaucer son rêve et qui est prêt à tout pour ça.

22 pour sa part est similaire à Marin cité plus haut. Désabusée, elle ne parvient pas à comprendre pourquoi les âmes vont sur Terre tant elle exècre tout là-bas. Mais à travers la vie de Joe et d'autres éléments que je me refuse à vous divulguer, cette âme parviendra à découvrir de nombreuses choses (comme la pizza) qui viendront peu à peu lui donner l'envie de vivre et de découvrir toutes ces choses qui font de nous des êtres vivants.

Il y aura aussi quelques personnages secondaires comme l'homme sandwich Terry qui sert à faire le lien entre le monde terrestre et le monde spirituel à travers une séquence très "hippie", la mère de Joe qui dissimule ses sentiments et refuse que son fils vive de sa passion au détriment d'une vie sereine, ou encore les Michel qui sont hilarants. Tous demeurent attachants même si rien ne les feront se démarquer réellement.

En effet, en dehors des résidents du monde du Grand Avant, on suit plus l'histoire de Monsieur et Madame Tout le Monde que de personnages de films, cela se voit notamment avec Joe et son chara design très ordinaire mais aussi par le fait qu'en dehors de lui, les autres personnages voient leur histoire très survolée, il n'y aura que très peu d'éléments de leur vie qui nous seront dévoilés. Ainsi, on voit plus des rencontres au sein de cette mégalopole qu'est New York que de véritables personnages au background travaillé et étalé durant de longues minutes. Cela se voit également avec le groupe de jazz que l'on ne verra au final que quelques minutes avant de passer à autre chose.

Une animation abstraite

Bien que Pixar soit habituellement gage de qualité pour l'animation comme on peut le voir ici avec New York qui fourmille de vie et demeure hyper détaillée, je dois avouer avoir eu un peu de mal avec le chara design des âmes qui font penser à des ampoules (on pourrait justifier cette apparence par le fait que l'âme est l'ampoule qui fait fonctionner le corps humain mais je m'égare). Cependant, on ne le dira jamais assez, l'animation est sublime, que ce soit pour New York, oui, mais aussi pour le monde du Grand Avant qui est très coloré mais parvient à retranscrire une impression de sérénité où des centaines de jeunes âmes apprennent à obtenir des passions afin qu'une fois leur passeport rempli elles puissent partir vivre leur vie sur Terre. De plus, l'animation est assez abstraite par moment comme on peut le voir sur l'image ci-dessus et pourra donc dérouter mais parviendra malgré tout à séduire.

La musique est très diversifiée également avec un style très jazzy pour tout ce qui tourne autour du monde terrestre. Pour le monde spirituel, les compositions seront plus paisibles. Je retiendrai le morceau de fin Je reviens plus fort interprété par Abi BERNADOTH qui conclut parfaitement ce film avec des paroles retranscrivant cette thématique d'ode à la vie.

Une petite mention au doublage VF d'excellente facture avec Omar SY qui interprète avec brio Joe Gardner et rends le protagoniste hyper attachant, et Camille COTTIN qui interprète une 22 bien cynique par rapport à la vie.

En conclusion, Soul est un film au concept abouti.
Là où Vice-Versa était un film proposant une expérience à double lecture aussi bien pour les enfants que pour les adultes, Soul est tout le contraire.

C'est un film très réussi qui certes ne se destinera pas à tout le monde et dont certaines pistes narratives se perdent en route mais qui réussit à transmettre via ses personnages la passion de vivre.

Une belle ode à la vie.