Pour bien commencer la semaine, rien ne vaut un bon film. Le choix Soy Nero ne s'impose pas comme une évidence, il sort avec très peu de copies et donc dans un nombre infime de salles. Parmi celles-ci, il y a celle du MK2 Bibliothèque, mais côté BNF, en bas des escaliers, au fond à droite. Cela donne l'impression de se rendre dans un lieu secret, où se retrouve des aventuriers à la recherche d'un trésor méconnu. Parfois, on tombe sur une pépite et d'autres fois, sur une contrefaçon. Ce n'est ni l'un et surtout pas l'autre, mais c'est une belle découverte.
"Les USA est un pays d'immigrants, connaissant aujourd'hui un problème avec l'immigration" le réalisateur Rafi Pitts analyse avec clairvoyance la situation de cette nation. On peut malheureusement faire le même constat dans la plupart des pays, dont notre chère terre d'asile où ne pas avoir la peau assez blanche est (re)devenue un handicap dans notre société dite "moderne". C'est dans ce contexte nauséabond; la (re)montée des partis et groupuscules d’extrême droite; qu'il s'est mis à penser à la situation des immigrants, mais aussi à la notion de frontières. Une situation qu'il comprend bien, vu qu'il est interdit de séjour dans son pays d'origine, l'Iran.
La séance est difficile. Il faut s'accrocher durant la première demi-heure, face aux longueurs rendant le début soporifique. Puis petit à petit, le film devient passionnant. De désillusions en désillusions, Nero (excellent Johnny Ortiz), veut tout de même devenir un citoyen américain. C'est son rêve et pour y parvenir, il n'a qu'une seule solution, s'engager durant deux ans dans l'armée américaine. Ce procédé s'appelle "Green Card Soldiers", mais devenir un soldat américain, c'est prendre une voie sinueuse et dangereuse.
Le rêve d'être un américain. Nero est né aux états-unis, mais sa famille en a été expulsé, pourtant il veut y revenir. Souffre-t'il du syndrome de Stockholm ? Non, il veut juste retrouver la terre où il a grandi, même si celle-ci ne veut pas de lui. Aux yeux des américains, il est un mexicain. A chacune de ses rencontres, on lui rappelle ses origines, tout en se méfiant de lui. Le face à face avec la police est symptomatique d'une société remplie de préjugées, où la première demande est : as-tu de la drogue sur toi, alors qu'il y a bien d'autres questions à poser. Le positionnement du véhicule de police lors de l'interpellation n'est pas un hasard, on peut y lire "Protect and serve the community". Cette inscription me fait doucement sourire, il y a les mots et les actes. Mais le ver est dans l'homme et face à la richesse soudaine de son frère aîné Jesus (Ian Casselberry), il aura aussi la même réaction en lui demandant s'il vend de la drogue.....
Le réalisateur Rafi Pitts prend son temps, en mettant en lumière les contradictions d'une nation, à travers les divers personnages que va croiser son héros. Il va passer du Mexique à LA, avant de se retrouver dans un pays du moyen-orient pour défendre les couleurs d'un pays qui ne veut pas vraiment de lui. Mais ou qu'il soit, il reste un étranger aux yeux du monde. Cette recherche d'identité est cruelle, son besoin d'être reconnu comme un américain est obsessionnelle. Ses coéquipiers se surnomment Compton (Darrell Britt-Gibson) et Bronx (Aml Ameen), du nom du lieu ou ils ont grandi. Ils ont une vision différente de leurs rapports avec les états-unis. Ce sont des afro-américains, donc pas entièrement assimiler comme américains. Cette nuance se retrouve dans leurs digressions sur la société américaine, où chacun voit celle-ci d'un œil différent. La différence entre "vouloir et devenir", est immense. Le rêve peut rapidement se transformer en un cauchemar sans fin.
Le récit est aride, sa sécheresse peut vite devenir un obstacle, mais avec de la patience, on en sort avec le sentiment d'avoir vu un film original, ce qui est rare à notre époque.