St. Vincent est, à plus d’un titre, une énigme. Qu’un film aussi sympathique, porté par un casting prestigieux soit condamné à la DTV quand un tel de flot de purin inonde hebdomadairement nos salles en est la première raison.
Qu’une petite chose aussi peu originale, avec applaudissements tire-larmes à la fin, transformation des bougons en gentils et des brutes en amis, musique pop et feel good puisse atteindre à ce point sa cible, semble a priori inexplicable.
Tentons tout de même.
La première raison qui ne surprendra pas grand monde tient dans son comédien principal, un Bill Murray qu’on ne va plus qualifier comme au sommet de son art, puisqu’il n’en descend que rarement. Patibulaire, détestable, cynique, son personnage en perdition est rendu d’autant plus efficace qu’il est serti de répliques au cordeau, qu’il s’agisse de casser ses voisins ou d’accueillir les télévendeurs.
Loser intégral, tentant de revendre laxatifs sous le manteau ou de clôturer un compte à découvert, partageant sa vie entre une pute low cost en état de grossesse avancée (Naomi Watts qui prend ici, avec jubilation, les risques qu’on ne lui permettait pas dans Birdman…) et un chat qui n’aime pas les gens qui se font aimer par les animaux, le voici donc affublé d’un gamin à babysitter.
Dans une atmosphère proche de Paper Moon, sur un traitement que ne renierait pas Alexander Payne, le film déploie la traditionnelle relation entre le vieil homme et l’enfant, n’épargnant ni les sommaires musicaux, ni les incursions du pathétique (passé militaire, femme en maison de repos, etc.), mais en faisant mouche à chaque fois. Un petit miracle qui tient à la façon dont un gamin peut tondre une pelouse sans herbe, un grabataire tenter de reconquérir son langage par ses saillies acerbes ou une prostituée devenir femme d’intérieur.
N’en rajoutons pas. C’est drôle, c’est frais, ça ne renouvelle rien, c’est touchant.
En ces temps de remise en question face à l’incapacité des films contemporains à réellement m’émouvoir, me voici personnellement rassuré.