"St. Vincent" n'est pas vraiment un bon film. Il est plutôt mal écrit, avec cette prolifération mal maîtrisée de thèmes et d'intrigues, voire de personnages, parfois abandonnés en cours de route (la mort de Sandy en est un exemple rageant). Il est empli de clichés et de lieux communs usés : le lien qui se tisse entre un vieux bourru et un enfant a bien fait l'objet de 250 films (tiens, au hasard, "le vieil homme et l'enfant", "l'été de Kikujiro"...). Pourtant, il est d'une efficacité émotionnelle redoutable : j'ai beaucoup, mais alors beaucoup plus ri finalement que dans la majorité des comédies US de la dernière décennie, et j'ai terminé le film en sanglotant comme une madeleine... C'est que "St. Vincent", film curieusement relégué au DTV, bénéficie d'un casting en or massif : Bill Murray, vieux génie absolu qui se fait trop rare, y est à son meilleur (mais quand a-t-il été seulement médiocre ?), interprétant un faux misanthrope au bout du touleau, Naomi Watts nous enchante dans un rôle comique particulièrement bien vu de prostituée russe enceinte, et Melissa McCarty est formidablement juste dans une composition en demi-teinte à l'opposé de ses habituels excès : "St. Vincent" s'avère un plaisir faussement simple, parce qu'il arrive à retourner ses clichés initiaux (les personnages finissent tous par nous surprendre d'une manière ou d'une autre...), et parce qu'il est un sacré "film d'acteurs" : du coup, il ranime en nous une flamme vacillante pour une forme classique dont on pensait avoir épuisé les charmes. Mention spéciale au générique final, sur une grande chanson de Dylan, qui enjolive encore le souvenir que nous laissera cet OVNI ordinaire. [Critique écrite en 2016]