Je dédie cette critique à mon comparse Marc-Antoine, victime d'un infâme spoil en pleine faculté de Tours, de la main d'un dénommé Louis Prunier qui beuglait alors à tout va (à la foule) que tel personnage allait vous-savez-quoi dans Star Wars VII.
Je m'étais mis au défi de ne pas craquer plus d'une année durant, bannissant toutes formes de teaser quel qu'il soit, et j'y étais parvenu ; un malheureux commentaire (mais explicitement voulu en tant que spoil, l'enfoiré) d'article n'ayant rien à voir avec le ciné eut cependant raison de ma vigilance, foulant du pied ma longue diète alors que j'étais si proche du but... ô râle de désespoir !
Je ne suis pourtant pas un inconditionnel de la franchise, mais ceci pour rendre compte de la ferveur entourant The Force Awakens, le Septième volet de la mythique saga de SF initiée par George Lucas en 1977 ; promis à un succès (économique du moins) conséquent (et les récents chiffres abondent en ce sens), ce retour de la Force sur nos écrans s'apparentait à l'un, si ce n'est le, des films les plus attendus de ce foutu siècle... l'attente en valait-elle la peine ?
La présence de J.J.Abrams aux commandes était de bon augure, celui-ci ayant dépoussiéré le mythe Star Trek avec réussite auparavant, aussi se posait-il comme l'une des alternatives de réalisation les plus crédibles, notamment sur le plan graphique ; pour l'épauler au scénario, un certain Michael Arndt était de la partie, mais notre attention se portait surtout sur le fameux Lawrence Kasdan, célèbre pour son travail mémorable dans l'Épisode V de la saga.
Mes craintes tenaient davantage de l'emprise plausible de Walt Disney, propriétaire de la société de production Lucasfilm depuis 2012 ; le risque étant que le studio aux grandes oreilles, détenteur d'un véritable empire cinématographique aujourd'hui (Marvel, Pixar), affecte le bon développement du projet sous couvert de choix imposés et autres histoires de gros sous... Star Wars étant, de surcroît, une gigantesque niche à produits dérivés en tous genres, tel était le risque, bien réel.
Mais fi de la parlotte, venons-en au coeur du sujet : The Force Awakens est-il un bon Star Wars, et a-t-il renoué avec "l'esprit" de la trilogie originale tout en s'en démarquant ? Oui et non, et... oui et non ; dans les faits, le film a été plutôt bien accueilli, ou tout du moins mieux que La Menace Fantôme, mais bien que moi-même satisfait je ne peux m'empêcher de faire grise mine au regard de certains éléments venant ternir ce beau tableau galactique.
Un point essentiel pour débuter : la nostalgie nous assaille dès les premières notes du texte d'ouverture, ce dont de rares films peuvent se targuer, celui-ci nous procurant une décharge de bonheur pur sans égal ; mais si l'on peut excepter ce point pas vraiment surprenant, Abrams passe surtout avec brio l'obstacle peu ou proue anodin qu'est le plan spatial post-générique, avec la manière qui plus est.
Ce dernier aux manettes, la promesse visuelle était de mise, et à l'image de cette entrée en matière probante The Force Awakens ne déçoit aucunement : le long-métrage impressionne sans forcer (l'intervention de l'escadrille X-Wings sur Takodana caresse savamment la rétine), disséminant ci et là de bien belles trouvailles sous couvert d'une photographie des plus propres, le tout au service de plans fort inspirés ; par ailleurs, on ne peut que le féliciter au regard de ses airs kitsch concernant quelques décors (et autres costumes), cette composante propre au pan graphique de la trilogie originale se voyant ici mêlée avec justesse à un souffle de modernité incontournable.
Vous l'aurez compris, visuellement l'ensemble est plus que probant, cette réussite comprenant aussi les designs (excellents) de BB-8 et de Kylo Ren ; pour ce qui est de l'empreinte sonore de The Force Awakens, si la BO de John Williams fonctionne, ceci tient davantage de la fibre nostalgique (à même de nous maintenir en immersion) que de l'originalité, bien peu de surprises nous attendant sur ce plan.
A présent, qui dit nouvelle trilogie dit nouveaux protagonistes, celle-ci nous projetant trente ans après les événements relatés dans l'épisode VI Le Retour du Jedi : la figure de proue qu'est Rey est de prime abord une héroïne classique mais hautement sympathique, ceci grâce à la révélation qu'est Daisy Ridley, à l'image d'un casting plaisant (Bogeya, Isaac) ; on savoure aussi et hautement les tribulations de BB-8, parfait successeur du légendaire R2-D2 tant il porte un humour très efficace, tout en parcimonie.
Mais d'entre toutes ces nouvelles têtes, deux se démarquent à n'en plus finir, pour le meilleur et pour le pire ; je vais débuter avec la plus décevante, à savoir le personnage de Finn, support d'une idée de base lumineuse (un stormtrooper à visage découvert désertant fissa), mais dont la nature de comique involontaire vient saper son efficience : il en ressort une figure supposément complexe mais pas toujours crédible, dont l'exploitation laisse clairement à désirer.
Secondement et pour finir sur ce point, je vais monter au créneau pour prendre la défense de Kylo Ren, décrié injustement à tort en l'espèce : la déception du public semble être attenante à sa perception du rôle tenu par l'apprenti Sith, victime d'un raccourci facile typé " il s'agit du nouveau Vador", ce qui est clairement trompeur ; le film souligne pourtant avec une certaine justesse la fragilité intrinsèque à ce dernier, ici sublimée par un Adam Driver nullement ridicule, dans la mesure où il introduit un rapport à la Force inédit au regard de son tiraillement entre le côté obscur, auquel il a prêté allégeance, et la lumière du bien, drapée d'un statut de tentatrice... le poids des liens familiaux est ici prépondérant et témoigne d'un traitement plutôt réfléchi, de quoi augurer de belles choses concernant Kylo Ren.
Clôturer l'analyse rapide de ce personnage majeur nous ramène au coeur du sujet, à savoir si oui ou non The Forces Awakens est un bon Star Wars, celui-ci portant la lourde tâche de renouer avec un esprit monumental tout en s'en démarquant ; eh bien, le film fait mine d'être une (relative) réussite dans son optique de volet introductif, et par extension l'attente jusqu'au huitième opus va être diablement longue... mais bon sang, beaucoup de choses sont à revoir !
Le problème tient de l'évidence même : l'intrigue du long-métrage s'apparente à un copier-coller immanquable de l'épisode IV Un Nouvel Espoir, et ce en s'appropriant ses ressorts d'intrigue au même titre que sa structure narrative, aussi le parallèle est des plus simples à réaliser ; cette redondance dessert forcément l'inventivité scénaristique de The Force Awakens, devenu de fait énormément prévisible dans sa démarche, alors parachevée par la bataille de Starkiller (= Etoile Noire)... certes cet épisode rend brillamment hommage à la trilogie référentielle, mais cela ne justifie pas une telle repompe.
Là est le principal écueil de The Force Awakens, qui voit aussi un certain nombre d'incohérences venir plomber en partie la crédibilité de ses personnages principaux, telle que la mise à mal de Kylo Ren par Finn puis Rey (la montée en puissance de cette dernière pose naturellement question quant à sa légitimité, mais gageons que le prochain film y apportera une réponse sensée) ; le récit arbore également de grosses ficelles que l'on pardonne malgré tout, et l'on ne peut que regretter l'absence au montage d'une séquence dantesque aux abords de l'affrontement évoqué voilà peu.
Deux détails avant de conclure : le capitaine Phasma m'a laissé songeur quant à son utilité, celui-ci tenant de la publicité criante pour vendre de bien belles figurines à son effigie (son armure claque il faut bien le reconnaître) ; enfin le dénouement s'achève sur un bien vilain plan en hélicoptère, que je qualifierai pour le coup de bancal... ce qui est d'autant plus regrettable que l'intensité découlant de cette rencontre au sommet, alors grandement attendu, tenait jusqu'ici ses promesses (belle prestance de la part de Mark Hamill soit dit en passant).
J'aurai ainsi tendance à définir The Force Awakens comme étant un bon Star Wars, certes pas au niveau de la trilogie originale, mais à même de mettre sur de bons rails le prochain opus ; cependant ces nombreux accrocs témoigne d'une fébrilité palpable, probablement due au poids des attentes, promesses et autres joyeusetés, de quoi déteindre sur un scénario piégé entre deux objectifs fondamentaux : le renouveau et l'hommage.