Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les spectateurs n’ayant jamais eu vent de la pièce maîtresse de François Descraques constituaient un public à conquérir, ou convaincre du moins, que le cinéma de genre (de SF ici) peut fonctionner. Découvert dans une position de connaisseur (à la mémoire défraîchie, je le crains) davantage curieux qu’exigeant, force est de reconnaître que le long-métrage est une jolie réussite.
Comme évoqué par Florent Dorin (le vieux de la vieille) et Vincent Tirel (le « petit » nouveau), Descraques visait explicitement à ce que son film se suffise à lui-même, tout en (nous l’imaginons bien) rendant hommage à la websérie originelle : et si nous pouvions craindre que l’adaptation s’accompagne de son lot d’écueils habituels, ce Visiteur du futur grand format évite en réalité la plupart de ces fieffés pièges, capitalisant efficacement sur un budget autrement plus confortable (mais aucunement infini) et faisant montre d’une ambition nullement prétentieuse.
Ainsi, ce projet fomenté de longue date aura plus que porté ses fruits : la recette demeure connue (changer le passé pour sauver l’avenir) mais se diffuse à merveille dans un récit efficace de bout en bout, se payant même le luxe de développer des sous-textes connexes à celui, en apparence central, écologique. Certes, le prisme politique peut dénoter, et les vérités assénées ne sont pas toujours subtiles, mais l’ensemble se tient : fidèle à ses racines, Le Visiteur du futur plaide finalement à travers son enrobage de SF pour une meilleure prise de conscience, sans se départager d’un goût pour le divertissement... sans qu’aucun ne parasite l’autre.
De fait, le tandem Alice/Gilbert, primordial en l’espèce, cristallise parfaitement la justesse du long-métrage dans son jeu d’équilibriste avisé : bien entendu, de menues ficelles mettent en lumière des coutures déjà vues, et nous pourrions pointer du doigt un creux lors de la découverte du « Térié » (et le sauvetage prévisible le précédant), mais le rythme au poil et l’écriture maîtrisée de cette joyeuse galerie concourent à en atténuer les désagréments. Même les clins d’œil et références, assez rares en réalité, s’insèrent sans remous et contribuent même à en étoffer la verve comique, laquelle confine souvent aux rires francs.
Reste une conclusion commode, où tout le monde y gagne sans (trop) y perdre : c’est en cela que Le Visiteur du futur, peut-être paradoxalement bridé par ses nouveaux moyens, s’en tient à une formule sans éclats, là où il aurait pu véritablement bouleverser un visionnage plaisant mais non exaltant. Pour autant, l’heure est bel et bien aux applaudissements car le pari est tenu haut la main : mieux encore que ne l’aura fait Astier, sans jamais se renier, et en ouvrant donc la voie à peut-être plus... que cela se fasse dans le giron du Visiteur ou ailleurs.