Ma génération a pris de plein fouet le choc. Soudain, notre imaginaire prenait, enfin, les dimensions de l’univers. J’en pleure encore. Si j’ai vu et revu la première trilogie, la suivante me laissa de marbre. Mon héros restait Han Solo. Je l’imaginais perdu à jamais, quand l’annonce de son retour me parvint.
Han est revenu. Tout a été dit sur l’opus du sieur J. J. Abrams. Le scénario est un habile plagiat de l’œuvre original : le mal contre le bien, un père avare et un fils prodigue, à moins que cela ne fut l’inverse, des extra-terrestres bigarrés et des paysages séduisants, une Etoile de la mort et des combats aériens… Les petits nouveaux ; la gentille recycleuse Rey (Daisy Ridley), le gentil soldat Finn (John Boyega) et le gentil pilote Poe Dameron (Oscar Isaac) ; ne brillent pas par leur interprétation, attendons néanmoins les épisodes suivants pour juger de leur potentiel. Malgré ses pénibles crises de nerfs, le bad boy Ben Solo (Kylo Ren) est mieux joué. Pourtant, j‘avoue avoir été séduit par l’inconsciente nostalgie dégagée par Le Réveil de la Force : ravages, reliques et ruines.
Ravages : Médusé, tout un système solaire assiste à la destruction de non pas d’une, mais de plusieurs planètes du système Hosnian, et, pour faire bonne mesure, d’un soleil. Le photogénique rayon de la mort de Starkiller se déploie lentement dans la voute céleste, et anéantit la Nouvelle République.
Reliques : Nos héros courent après une carte stellaire : le voyage instantané a aboli les distances, mais pas la possibilité de se terrer. En chemin, Ren découvrira le mythique et intact sabre laser de Luke Skywalker, tandis que Ben solo s’abîme dans la contemplation du heaume mutilé de Dark Vador.
Ruines : J’aime les ruines chantées par Ippolito Pindemonte : quell'orror bello che attristando piace (cette belle horreur qui plaît tout en nous rendant tristes). Les fantastiques peintures des romantiques Monsù Desiderio, Sebastiano Ricci, Bernardo Bellotto ou Hubert Robert célébraient la colère de Dieu. La pilleuse d’épave vit dans la ruine d’un AT-AT. La première apparition de l’organique tétrapode, sur les glaces d’Hoth, m’émerveilla. Sa lente et implacable marche n’a cessé de me hanter. Je n’ignore pas que des esprits chagrins, méprisables ingénieurs ou comptables, se sont empressés de démontrer l’absurdité technique du Walker. Fixer deux pauvres canons sur un colosse instable et incapable de se relever est inepte. Un chasseur Tie, un blindé à sustentation magnétique, voire un simple char chenillé, seraient infiniment efficients. Splendeur encore, que celle des titanesques vestiges du Destroyer stellaire. Ses proportions sont difficilement appréciables dans le vide sidéral, mais oh combien fascinantes sur la terre désertique de Jakku.
Ruines enfin, que celles des visages des héros de mon enfance. Si Chewbacca et les robots se portent bien, si j’avais vu vieillir mon héros, le sort de Carrie Fisher (Leia) et Mark Hamill (Luke) m’étaient inconnus. Comme le temps passe, memento mori !