Christopher Nolan était clairement LE réalisateur qui avait su me conquérir au cours de ces dernières années. The Dark Knight et Inception sont encore pour moi des chefs-d’œuvres, et Batman Begins s'était révélé une agréable surprise bien que visionné tardivement. Pour moi, un cinéaste aussi talentueux ne pouvait pas se planter. Il n'en n'avait pas le droit.
Encore moins s'agissant de la conclusion de l'oeuvre la plus ambitieuse de sa carrière, qui plus est le film que j'attendais le plus cette année.
Certes, le projet devait être difficile à reprendre suite aux circonstances tragiques du précédent opus ; néanmoins, j'étais tout à fait disposé à un film de Batman avec un antagoniste différent, ainsi qu'un tout nouveau scénario.
Et là, et Nolan-frère et David S. Goyer se sont magistralement vautrés.
Déjà, il n'y a pas de vraie nouveauté : pour faire simple, on reprend la Ligue des Ombres du premier opus, on choisit au hasard un nouveau méchant dans l'univers du Chevalier Noir et on bricole à la va-vite un film qui semble s'inspirer d'un comics très sombre où Batman se fait mettre au tapis*. Sauf qu'il s'agit d'une adaptation sans saveur et farcie d'idées scénaristiques contradictoires et pleines d'incohérences.
Comme la liste est longue, je ne vous ai sélectionné que les morceaux les plus juteux:
1 - Bruce Wayne a disparu de la circulation depuis 8 ans, soit le même jour que son alter ego; personne ne fait le rapprochement sauf un bleu de la police qui ne l'a jamais vu en personne, et qui pourtant déduit son identité au premier coup d’œil simplement parce qu'il est orphelin comme lui. La blague.
2 - Par ailleurs, 8 ans c'est long, sauf pour Bruce qui attend qu'on lui donne le feu vert pour redevenir le symbole qu'il avait abandonné par désespoir, ET, du même coup, soigner sa jambe pété à la fin de The Dark Knight, qui se remet miraculeusement en place après un diagnostic pourtant désastreux.
3 - Choisir de ruiner Bruce Wayne pour l'affaiblir était la pire des idées : il aurait mieux valu l'atteindre psychologiquement pour ensuite mieux l'achever physiquement, comme dans le fameux comics dont a été inspiré le film*.
4 - Après sa défaite, Bruce est estropié et laissé croupir par son adversaire au fond du trou du cul du monde, dont on comprend vite qu'il n'a aucune chance de s'en sortir. Qu'à cela ne tienne, il ne lui faut guère plus qu'une thérapie de quelques jours à base de médecine locale, de flash-backs, de pompes, d'abdos et de paroles insensées prononcées par un vieil allumé du coin pour s'évader et revenir à Gotham en un clin d’œil... Sans argent, sans papiers et sans l'aide de personne, pas même de son majordome (sans oublier que le seul accès à la ville est rendu impossible par un barrage militaire...).
[ET QU'ON NE ME SORTE PAS UNE EXCUSE BIDON DU STYLE "C'est un film de super-héros, faut pas chercher plus loin" = FAUX ! Nolan a choisi de nous montrer une vision "RÉALISTE" de Batman, qu'il soit réaliste jusqu'au bout, putain !!!]
5 - Les méchants se pavanent en justiciers qui volent aux riches pour donner au peuple, tout en agissant en parfaits terroristes qui explosent des stades, libèrent des criminels et tiennent la ville en respect avec une bombe qui menace d'exploser à tout moment. Cherchez l'erreur.
6 - D'ailleurs, une bombe... C'est vraiment tout ce qu'il ont trouvé ?!? Begins avait la toxine de l’Épouvantail (on se demande bien ce qu'il fout encore là lui, tiens) et la tour de Wayne Enterprises comme vecteur pour la propager dans toute la ville, TDK des actes terroristes plus vrais que nature et une figure politique forte qui sombrait du côté obscur, et là on ne trouve mieux qu'un scénario à peine digne du dernier acte d'un James Bond pour l'ultime geste du Chevalier Noir. ET ENCORE, James Bond rendait ça palpitant !
Même si l'on tente l'effort impossible de passer outre toutes ces bourdes scénaristiques, le film manque cruellement d'intensité et de rythme. Ce qui fait qu'on s'ennuie pendant une bonne première heure, qui se mue assez vite en 1h30 puis 2h... Du coup, on prie pour que la fin rattrape tout.
Et là, c'est le coup de grâce.
Bane (le supposé "grand méchant") ne s'avère en fait qu'un gentil toutou agissant sous les ordres d'un personnage auquel on ne croit pas une seule seconde, Batou se fait planter comme un bleu puis sauver en un clin d’œil par une Anne Hathaway sortie de nulle part, Joseph Gordon-Levitt prouve encore une fois l'inutilité de sa présence au scénario, quant à la fameuse scène qui a valu à notre Marion nationale de devenir la risée du web, tout à déjà été dit dessus, je n'ajouterai rien (et je tiens à préciser que je ne suis pas de ceux qui crachent sur elle en général).
Mais mon coup de cœur personnel est et restera l'ultime plan du film, montrant un Robin des bois (Hahaha) grimpant sur l'ascenseur de la Batcave qui l'emmène vers sa destinée, dos à la caméra, sur fond de cuivres Zimmeriens. Oui, vous m'avez bien lu. Quatre ans d'attente, toute cette impatience, tous ces espoirs, tout ça pour un plan minable qui aurait pu figurer n'importe où ailleurs dans le film, avec l'arrière-train du personnage le plus insignifiant et un fondu au noir digne d'un débutant. Foutez-vous de la gueule du monde.
Je sais qu'on ne peut pas juger un film en le comparant à ses prédécesseurs, mais quand même ! Begins était une réintroduction fidèle et juste du mythe, TDK une apothéose cinématographique menée par un acteur possédé, mais là... j'ai eu l'impression de voir une autre équipe aux commandes, j'ai eu plus de frissons en regardant la bande-annonce que le film lui-même, c'est vous dire l'étendue de ma déception !
Certes, tout n'est pas à jeter, à commencer par quelques acteurs qui tirent leur épingle du jeu (Tom Hardy est excellent, Anne Hathaway s'en sort très bien et Michael Caine m'a presque fait verser une larme lors de ses deux scènes les plus émouvantes). Certaines scènes auraient pu devenir cultes si elles ne servaient pas un scénario aussi faiblard (l'affrontement Batman/Bane dans les égouts, l'évasion de Bruce, le final). Enfin, bien que peu innovée dans l'ensemble, la musique reste très appréciable (merci Hans), même si je préfère l'écouter seule plutôt qu'avec les images inadaptées du film par dessus.
Du reste, ce qui aurait du être une conclusion parfaite s'avère un film bâclé, médiocre et sans saveur, qui peine à se hisser à la cheville de ses prédécesseurs.
Sacré gâchis.
- "Knightfall" de Chuck Dixon, sorti en 1993.